Chapitre 5-1 : Une Restauration Visionnaire par le RP H. Delpierre (1952-1967)

Chap 5 : Une Restauration Visionnaire (1952-1967) par le RP H. Delpierre

Paragraphe 1 : 1952-1954 : Une Paroisse Vivante

-1- Le Révérent Père Henry Delpierre

Pour continuer la difficile tâche de reconstruction entamée par l’abbé Cocart, l’évêque d’Arras choisit un prêtre déjà bien connu dans l’Audomarois pour ses goûts artistiques très sûrs et ses talents de bâtisseurs : le Révérend Père Henry Delpierre.

Originaire de Boulogne-sur-Mer, Henry Delpierre (1909-2001) est né dans une riche famille d’armateurs catholiques. Après un enseignement religieux à l’institution Haffreingue, il effectue des études d’art à Saint-Luc, près de Tournai (Belgique) et est diplômé de théologie et philosophie de l’art à l’université dominicaine du Saulchoir, à Kain. En 1929, il entre à l’abbaye bénédictine Saint-Paul à Wisques où il est ordonné prêtre. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est mobilisé. Aumônier militaire, il est fait prisonnier et passe un an de captivité à Trêves dans un stalag où sont réunis des prêtres et des intellectuels marxistes. C’est là qu’il côtoie Jean-Paul Sartre. Il réussit à s’évader en octobre 1941 et revient à Wisques. Il est détaché de l’abbaye pour devenir curé et prendre en charge des paroisses proches : Quelmes, Leulinghem, et Zudausques-Cormettes. Il s’attache à moderniser le décor des églises sur les conseils des pères de Wisques où un courant artistique de création d’œuvres religieuses était né sous l’influence de Dom Bellot, architecte bénédictin surnommé « le poète de la brique » et qui avait établi son atelier à l’abbaye en 1928. Les maîtres-mots de ce mouvement sont : modernité, simplicité, lignes pures.

Pour plus d’informations sur la vie du R.P. Henry Delpierre : (depuis le jeune moine bénédictin d’avant-guerre jusqu’au curé paroissial retraité de Wimereux, en passant par sa rencontre avec Sartre dans les camps de prisonniers en Allemagne durant la 2nde guerre mondiale), voir les documents retrouvées dans les archives diocésaines en 2016.

Cliquez sur la vignette ci-dessous pour visualiser le document d’archive en question (document n°15)

-2- Grande foule pour l’Installation du nouveau pasteur

En octobre, le Père Delpierre quitte l’Audomarois pour Wimereux. Le 19 octobre 1952, c’est une foule considérable qui accueille le Révérend Père Delpierre : aux fidèles de Wimereux et des environs se sont joints ceux des paroisses qu’il administrait dans la région de Saint-Omer. A 15 h 30, le cortège quitte le presbytère et emprunte le quai de l’église (quai Théophile Dobelle) magnifiquement décoré. Derrière la Musique Municipale qui ouvre la marche, viennent les enfants des écoles, les membres du clergé dont Monseigneur Sauvage, archiprêtre, puis le nouveau curé qu’accompagne le chanoine Guillemin en charge de son installation.

Après un dépôt de gerge au monument aux morts, le cortège se rend à l’église où Monsieur Sanier, maire, prononce quelques mots de bienvenue. Dans ses paroles de remerciements, le nouveau pasteur rappelle la nécessité de l’entente entre la paroisse et la commune. Après quoi, ayant pénétré dans l’église, il est accueilli par Monsieur Watteau au nom du Conseil paroissial. Au début de la célébration, le doyen monte en chaire pour revenir sur les origines boulonnaises du Père Delpierre, sa carrière sacerdotale, puis il rappelle la mission du prêtre. Peu après commence la cérémonie liturgique d’installation. Dans les premières paroles qu’il prononce en chaire, le Père Delpierre remercie toutes les personnes qui ont tenu à s’associer à cette journée ; en particulier l’architeprêtre et le Révérend Père Guilly représentant le Père Abbé de l’abbaye de Wisques. Il indique ensuite que dans l’exercice de son ministère, il entend être le pasteur faisant de ses ouailles de loyaux amis. « Croyez, chers paroissiens, que je serai toujours avec vous et pour vous et que nous ferons de la messe le centre de notre activité paroissiale ». Tout en mettant ses espoirs sur les groupements d’Action catholique, et en particulier sur la jeunesse, il assure une dernière fois les paroissiens de son entier dévouement.

Dès la prise en charge de son ministère, le Père poursuit les traditions ancrées dans la paroisse, comme dans beaucoup d’autres. Ainsi, le 1er dimanche du mois d’août a lieu la cérémonie de bénédiction des automobiles et véhicules motorisés. Le 15 août a également lieu la bénédiction de la mer au cours de laquelle, après avoir récité au bord des flots les prières rituelles, le curé trace sur la grève un signe de croix en s’aidant de la croix de procession.

-3- Toits et murs sont enfin restaurés grâce aux « dommages de guerre »

Les travaux de la mise hors d’eau réalisés en urgence en 1945 sont entièrement à revoir. L’état de la toiture se dégrade de plus en plus. Les obus tombés sur l’église on sévèrement endommagé les couvertures de la nef et des bas-côtés, ce qui a entraîné des dégâts aux plafonds lambrissés. La nef a le plus souffert à cause des obus et des infiltrations consécutives, elle est humidifiée, des parties ont éclaté, sont perforées et soufflées. Quant aux bas-côtés, les plafonds sont gondolés, pourris, et des champignons s’y sont développés.

Un premier devis, dans le cadre des dommages de guerre, avait été déposé au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en septembre 1949, par Paul Merlin, architecte adjoint à Boulogne-sur-Mer. Les travaux sont évalués à 5 298 933 Francs. Monsieur Merlin est chargé de diriger les travaux à partir de 1953, date à la quelle il dresse programme et devis les 15 octobre et 26 décembre. Parallèlement à ces travaux, il attire l’attention du maire, dans un courrier dété du 24 août 1953, sur le mauvais état des ferrures soutenant les cloches. Le maire confie à Monsieur Merlin le soin de prendre les mesures qui s’imposent pour leur remplacement par un ferronnier.

La réfection de la toiture est confiée à l’entreprise Ducrocq et Catoire de Béthune pour la somme de 3 118 013 Francs. Les travaux de maçonnerie sont adjugés à l’entreprise Béra-Mahieu de Valenciennes le 13 septembre 1954.

Petite anecdote : les ouvriers de cette entreprise sont hébergés durant leur séjour à Wimereux, chez les demoiselles Top, à la pension de famille « Le Santerre ». La réception provisoire des travaux de couverture à lieu le 13 octobre 1953 et la réception définitive intervient le 18 janvier 1955.

-4- Congrès Eucharistique de l’archiprêtré de Boulogne

Chaque année, le Congrès Eucharistique de l’archiprêtré de Boulogne se déroule dans une paroisse différente. Du jeudi 1er au dimanche 4 juillet 1954, c’est à Wimereux que revient l’honneur d’accueillir cette manifestation, présidée par Monseigneur Parenty, évêque d’Arras. Le thème retenu pour le congrès est : « L’Eucharistie dans la vie ». Le Père Delpierre veut que ce soit une réussite, aussi, il ne ménage pas ses efforts. Il lance un appel à la population pour qu’elle orne et décore les maisons et les rues de la ville qui mènent au stade Victor-Lemoine où se dérouleront les diverses cérémonies.

Une magnifique et colossale image de la Vierge et de l’Enfant, reproduction exacte de l’affiche du congrès, domine de ses 11 mètres la rivière. Installée sous une arche du viaduc, elle est éclairée par un contour lumineux. Enfin, sur le stade, un autel monumental de 8 m, surmonté d’une croix de 13,50 m est érigé.

La première journée est celle des enfants, sous la présidence du doyen de Saint-Pierre : messe dialoguée au stade avec le sermon prononcé par l’abbé Dantan, jeux scéniques dirigés par un groupe de professeurs du Petit Séminaire, défilé des enfants jusqu’au monument aux morts où sont déposées des gerbes de fleurs. Le vendredi est consacré aux dames et aux jeunes filles, sous la présidence de Monseigneur Sauvage, archiprêtre de Boulogne. Le samedi a lieu la grande procession aux flambeaux en l’honneur de Notre-Dame. Le défilé passe du côté des Garennes, empruntant les rues du cimetière (rue Jean Moulin), du Réservoir, (rue René Cassin), et Pilâtre de Rozier. Le dimanche, journée de clôture. Le matin, sur le terrain du congrès, la grand-messe est célébrée par l’abbé Cocart, que les Wimereusiens sont heureux de retrouver presque 2 ans après sont départ. Est présent également le chanoine Mourmier, devenu archiprêtre d’Arras, et que les paroissiens n’ont pas oublié depuis les années de guerre.

Pour cette messe dominicale, la pluie s’est malheureusement invitée, mais l’après-midi, le soleil fait son retour pour la grande procession et le cortège des chars, auquel participent les paroisses de Boulogne, La Capelle, Manihen, Pernes-lès-Boulogne, le Portel, Ostrohove, Saint-Martin, Wimille et Wimereux. A 17 heures, la procession démarre, précédée par la Musique Municipale suivie de la croix de procession et des enfants de chœur de Wimereux. Derrière, les chars magnifiquement décorés présentent tous les figures de l’eucharistie dans l’Ancien Testament. Parmi ceux les plus remarqués, figure celui de Wimille. La paroisse, afin de montrer combien l’eucharistie est le sacrement des enfants, a adossé à une grande cape blanche où volettent des colombes, un grand portrait de Saint Pie X, canonisé le 29 mai

Pie X avait en effet le désir de « donner aux enfants le Pain de vie qui est Jésus ». Le Pape Pie XII, le 3 juin 1951, déclarait lors de la béatification de ce dernier : « C’était à Pie X, lui qui avait une âme évangéliquement enfantine, qu’il revenait de donner Jésus aux enfants et les enfants à Jésus. » Pie X disait : « Dès qu’un petit enfant sait discerner le pain Eucharistique de pain ordinaire, il a ce qu’on appelle l’âge de raison. Or, à l’âge de raison, l’enfant est obligé, comme tous les fidèles, de se confesser et de communier une fois par an. Les petits enfants peuvent communier, les petits enfants doivent communier. Jésus les aime d’un amour de prédilection. » (cf le vitrail de l’église réalisé par Maurice Rocher et consacré à Pie X).

Enfin la place d’honneur revient à la paroisse de Wimereux, avec le char du Saint-Sacrement. Il est composé de 4 colonnes dorées formant un dais richement décoré (ce dais vient d’être retrouvé lors du rangement rendu nécessaire dans une buanderie du presbytère que la Mairie vient de vendre à un promoteur). Dessus, les enfants de chœur encensent le Saint-Sacrement, tenu par Monseigneur Parenty. La foule s’agenouille sur son passage. Une fois le pont Carnot traversé, la procession se dirige vers le terrain, suivi par une véritable marée humaine venue vivre les derniers instants, inoubliables, de ce congrès. Il s’achève par la bénédiction donnée par le chanoine Mourmier.

Ces 4 jours d’intense ferveur ont tant marqué les esprits qu’aujourd’hui encore, certaines personnes en parlent.

-5- Bénédiction de la chapelle Notre-Dame de l’Univers

Le 1er novembre 1954, à l’occasion du 4e anniversaire de la définition du dogme de l’Assomption, le pape Pie XII proclame la royauté universelle de la Vierge, qu’il couronne solennellement en la Basilique Saint-Pierre de Rome. Le Père Delpierre désire que cette royauté soit reconnue à wimereux. En souvenir du congrès eucharistique qui a eu lieu quelques mois plus tôt, il fait ériger au chevet de l’église une chapelle (ou oratoire), la première en France à être dédiée à « Notre-Dame de l’Univers ». Cela nous rappelle que la paroisse est également une des premières à être placée sous le patronage de Marie Immaculée Conception. La construction de la chapelle est confiée à Joseph Philippe, (1902-2000), architecte audomarois, collaborateur le plus proche de Dom Bellot, et qui avait dressé auparavant les plans des églises d’Enguinegatte, d’Hazebrouck, et de Landrethun-le-Nord, ainsi que des monastères de Braye (Loiret) et de Keur-Moussa (Sénégal). La chapelle se compose d’une tour carrée en briques rouges, d’une hauteur de 4 mètres, dont la base est une étoile à six branches, et qui s’élève au centre d’un bassin circulaire (cf l’article concernant cette chapelle et la symbolique des formes géométriques). La niche abrite une Vierge à l’Enfant du sculpteur Claude Gruer, de Solesmes. Elle était initialement positionnée devant la salle paroissiale (celle-ci n’existe plus actuellement : elle était placée dans le prolongement de la partie arrière de l’agence de La Poste actuelle). Après la destruction de la salle paroissiale, la chapelle Notre-Dame de l’Univers fut avancée plus près du chevet de l’église.

Né à Paris et ayant grandi à Tours, Claude Gruer (1923-2013) arrive à Solesmes et y rencontre Raymond Dubois, sculpteur habitant Juigné, dont il est devenu l’élève. Artiste très productif, il est spécialisé dans les chemins de croix. Son matériau de prédilection est la terre cuite. Son style est égal dans toute son oeuvre, qui regroupe des personnages traités de manière naïve par groupe de deux ou trois. Il a travaillé pour l’abbaye et la ville de Solesmes, et dans toute la France.

Pour voir la biographie plus détaillée de Claude Gruer : cliquer sur l’icône suivante :

La bénédiction de la Chapelle de Notre-Dame de l’Univers a lieu le dimanche 19 décembre 1954, par Monseigneur Perrin, évêque d’Arras. Celui-ci est d’abord accueilli par le maire, Monsieur Sagnier, et son Conseil municipal. En réponse aux mots de bienvenue, le prélat rassure le maire quant à la présence du Père Delpierre qui restera à Wimereux de longues années afin qu’il puisse parfaire son oeuvre. Après l’accueil de ce dernier, la messe commence, célébrée par l’abbé Delabie, professeur à l’institution Haffreingue. Monseigneur a pris place dans le fauteuil épiscopal, entouré du chanoine Guillemin, doyen de Saint-Pierre, et du Vicaire Général Lacroix. Dans les stalles se sont installées de nombreux prêtres. L’office est enrichi des chants interprétés par la chorale paroissiale, dirigée par Monsieur Waterlot, aidé de Mademoiselle Lefebvre. A l’issue de la messe, Monseigneur Perrin se rend au chevet de l’église pour la bénédiction de la chapelle, en présence de toute l’assistance. Au vin d’honneur, servi ensuite dans la salle paroissiale, le Père Delpierre souligne l’esprit large et compréhensif de la municipalité, dit le dévouement du Comité des Ecoles Libres et du Conseil paroissial, et a un mot aimable pour les constructeur de la chapelle. Monseigneur Perrin répond très simplement en soulignant l’immense travail accompli par le Père Delpierre, bien aidé par ses paroissiens. Très sensible à l’esprit d’harmonie et de bonne entente qui règne à Wimereux, il conclut en disant au Père que c’est « sa plus belle réalisation ».

-6- RP Delpierre : « un moine bâtisseur » dans la tradition des bénédictins : restauration, transformation, embellissement pré-concilaire

Cette église va subir des transformations importantes quant à son style, selon l’esprit des travaux préparatoires du Concile Vatican II en matière d’art sacré,  proche de l’éthique artistique des moines de l’Abbaye de Solesmes. Mais pour l’instant, la vie de la paroisse continue de foisonner, avec notamment chaque années des communions, des processions eucharistiques… Et le Père Delpierre, le prêtre bâtisseur, prépare déjà pour son église de grands projets artistiques.

(article établi à partir du livre d'Arnaud Destombes :

 "Immaculée-Conception de Wimereux - Histoire d'une église, histoire d'une paroisse ...)

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