Portrait de la Sainte Face par Céline, soeur de Sainte Thérèse de Lisieux
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face était morte le 30 septembre 1897. Au mois de mars suivant eut lieu à Turin une ostension du Saint Suaire. C’est à cette occasion que, à l’instigation du salésien Noguier de Malijay, le roi d’Italie demanda à son photographe, Secondo Pia, de prendre les premiers clichés de la sainte Relique qui feront apparaître, en positif, le véritable portrait de Notre Seigneur. En 1902, Paul Vignon publia son premier livre « Le Linceul du Christ », illustré par les clichés de Pia. L’oncle Isidore Guérin se le procura immédiatement et le prêta à sa nièce Céline, en religion sœur Genenvière, la dernière de la famille Martin à être entrée au Carmel.
Parallèlement, le premier recueil des écrits de sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face était déjà publié sous le titre « Histoire d’une âme« , un an après sa mort, soit le 29 septembre 1898. Ce livre a connu un succès considérable immédiatement, d’abord en France, puis à l’étranger au fil des rééditions et des traductions. Très vite, les conversions, les guérisons physiques se multiplient sous toutes les latitudes. Ces miracles s’accompagnent parfois d’apparitions de la « petite sœur » en bure brune des Carmélites.
Très tôt l’idée de proposer une procédure de béatification a émergé dans les cercles proches du carmel de Lisieux, puis dans les milieux ecclésiaux, sans démarche officielle au début. A Rome, l’influent cardinal camerlingue Girolamo Gotti, préfet de la Sacrée Congrégation des Reliques et des Indulgences, s’est déclaré favorable à une telle cause dès l’année 1899 et il a informé le pape Léon XIII sur la « petite Thérèse » à plusieurs reprises. C’est à lui que le carmel de Lisieux adresse en avril 1899 un exemplaire de la deuxième édition d’Histoire d’une âme destinée au souverain pontife.
C’est à la même époque que le père Eugène Prévost va être associé de très près à l’histoire de la diffusion de l’œuvre de Thérèse, ainsi que de la vénération de la Sainte Face dont la promotion lui sera confiée par le carmel.
En 1903, le Conclave élit le cardinal Sarto comme Pape ; il prend le nom de Pie X. Peut-être avait-il entendu parler de Thérèse avant son élection, mais il n’avait probablement pas lu ses œuvres qui n’étaient pas encore traduites en italien. Ce fut chose faite en 1904. Dès lors il a autorisé la vénération d’une image d’une grisaille de la Sainte Face réalisé par Céline (soeur Geneviève de la Sainte Face), sœur de Thérèse, au carmel de Lisieux, pour Pâques 1904, à partir d’une photographie du « Saint Suaire de Turin ». Pour faire ce portrait , elle avait travaillé pendant six mois, parfois à la loupe, pour restituer des détails d’une grande précision, et pour traduire en dessin ce que la méditation des conversations passées avec sa soeur Thérèse, et l’oraison, lui inspiraient. Ce portrait fut répandu partout dans le monde, mais surtout au Canada et en France, grâce à l’esprit entreprenant d’un prêtre canadien, le Père Eugène Prévost, dont le procès de béatification vient d’être ouvert.
Le portrait original réalisé par Céline fut présenté à Pie X, qui le vit avec une grande émotion. Il ne put s’empêcher de baiser tendrement à plusieurs reprises le visage divin. Il se dit convaincu que cette image aurait sur les âmes une véritable puissance de prédication et l’enrichit en accordant une indulgences inscrite sous ce portrait, tel que l’on peut le voir sur l’exemplaire de l’église de Wimereux : « à tous les fidèles qui méditeront quelques instants sur la Passion devant cette image, le Pape daigne accorder chaque fois sa bénédiction apostolique et toutes les indulgences attachées antérieurement par ses prédécesseurs aux exercices médités en l’honneur de la Passion. »
C’est donc une reproduction de cette œuvre de Céline, accompagnée de l’indulgence du pape Pie X, que l’on peut contempler et vénérer à l’église de Wimereux. Elle est actuellement placée à l’entrée du bas-côté nord, au dessus de la fenêtre communiquant vers la chapelle Notre-Dame de Lourdes. Des photos de l’église de Wimereux, juste avant l’agrandissement de 1905, pourraient permettre de visualiser ce portrait de la Sainte Face de Céline sur le dernier pilier droit avant le chœur de l’époque, à côté de l’entrée de la sacristie. En fait la chronologie ne nous permet pas de le penser, car à Pâques 1905, date de la publication de l’œuvre de Céline, les travaux d’agrandissement de l’église de Wimereux étaient déjà démarrés. Peut-être s’agit-il de la photographie de la Sainte Face faite en mars 1898 par Secondo Pia lors de l’ostension du Saint Suaire de Turin ? Peut-être s’agit-il d’une reproduction de la Sainte Face du voile de Véronique ?
Le portrait de la Sainte-Face par Céline fut reproduit en image sainte, au verso de laquelle était inscrite une prière à cette Saint-Face, rédigée par Thérèse quelques temps avant sa mort. Le pape Pie X attribua pour cette image sainte et sa prière une indulgence de trois cents jours.
En juin 1906, Pie X fait adresser une lettre au Père Prévost, sous la signature du cardinal Casimiro Gennari, prélat très proche du Pape, avec qui il partage une même sensibilité pour le Christ et l’Eucharistie ; cette lettre recommande cette vénération de façon assez inhabituelle pour une simple image : « cette image, qu’on ne peut contempler sans se sentir vivement ému de componction et d’amour … (le désir du Saint-Père est)… que ladite image soit propagée partout et soit placée en vénération dans toutes les familles chrétiennes. » A cet effet, le Pape « … la recommande d’une façon particulière aux évêques et à tous les ecclésiastiques en bénissant paternellement ceux qui s’en feront les zélateurs. »