-4- La reconstruction des églises dans le Pas-de-Calais après 1945
UNITE D’ACTION : Art Sacré.
UNITE DE TEMPS : La période de la 2nde Reconsctruction (suite aux destructions iées aux bombardements de la 2nde guerre mondiale)
UNITE DE LIEU : Diocèse d’Arras
1°) UNITE D’ACTION : Art Sacré cf la définition de l’Art Sacré en début de paragraphe précédent (§ -2-)
2°) UNITE DE TEMPS : la 2nde Reconsctrucion
La situation géographique et économique du Pas-de-Calais en a fait à partir de 1945 un grand chantier de reconstruction et de construction d’églises. D’abord, la région a beaucoup souffert des dommages de la seconde guerre mondiale. En particulier l’Audomarois et la Côte d’Opale, le premier abritant les rampes de lancement de V1 et de V2 dirigés vers l’Angleterre, la seconde les bunkers de l’organisation Todt, mais aussi le Ternois, ont été exposés aux bombardements anglais, intensifiés en 1944. Dans ces zones, de nombreux villes et villages et leur église ont été sinistrés. Ensuite, l’explosion démographique de l’après-guerre a engendré la croissance de villes moyennes, le développement de nombreuses zones périurbaines qu’il a fallu doter d’équipements religieux (exemple : Wimereux)
Le 16 novembre 1944, le gouvernement provisoire a mis en place le Ministère de la Reconstruction et le l’Urbanisme (MRU) Dans chaque préfecture, un légation départementale reçoit tous les dossiers de reconstruction des églises sinistrées du département. (62 = Arras).
Le MRU supervise l’ensemble des opérations de reconstruction, Il va être à l’origine de la modernisation des métiers du bâtiment et des Travaux Publics. Ses efforts portent en priorité sur le prix de revient des bâtiments. Ce qui le conduit à la normalisation des éléments de construction (Association Française de Normalisation = AFNOR créée en 1927). Le MRU met en place le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment = CSTB (1948) qui a la double mission d’informer et de financer, et qui dispose à Champs sur Marne d’un centre d’expérimentation des nouveaux matériaux et techniques.
Tous les questionnements, les bouleversements qui ont touché l’Église du XXe siècle se reflètent dans les édifices religieux du seul département du Pas-de-Calais, et particulièrement de 1945 à nos jours. Les églises des nouveaux quartiers sont à la charge du diocèse. Les églises sinistrées sont régies par la loi de 1905 (séparation église/état).
En vertu de la loi de 1905, la quasi-totalité des églises à reconstruire appartient aux communes. Leur reconstruction est à la charge des pouvoirs publics. Le Maire et son conseil municipal ont le choix de l’Architecte choisi dans la liste d’agrément établie par le MRU. Les débats entre les constructeurs concordent avec la volonté de l’Eglise d’être de son temps.
En matière de choix esthétiques l’engagement du MRU n’est pas neutre : un architecte-conseil est désigné comme référent. Au niveau national il s’agit de Paul KOCH, secondé pour le Nord de la France par André le Donné. Son avis est indispensable pour qu’un projet d’église soit agréé par le MRU et puisse faire la demande du permis de construire et la demande de crédits sur dommages de guerre. Le MRU refuse à priori que les églises soient reconstruites à l’identique ou en imitant les styles anciens , afin d’éviter de reproduire la modèle de reconstruction post-guerre de 14-18 et d’éviter « les pastiches » (par ex. : néogothique).
Paul Koch impose sa vision de l’architecture moderne, cherchant à épurer les formes et simplifier les aménagements intérieurs. Il est néanmoins respectueux des recherches des architectes locaux et des désirs des membres du clergé.
Les reconstructions d’églises sont prises en charge par deux Sociétés coopératives de reconstruction, de droit privé, soumises au contrôle administratif et financier de l’Etat : 1. La Renaissance des clochers pour les biens immobiliers 2. La Renaissance des autels pour les bien mobiliers.
Elles sont créées par décision du 21 juin 1950 ; avec les mêmes administrateurs jusqu’en 1964 Sur le terrain les communes sont les véritables actrices de la reconstruction des églises paroissiales dont le statut est compliqué : « elles sont affectées au culte, à perpétuelle demeure » . Si le curé affectataire en est de droit et de fait « le gardien », le maire en est le responsable légal ! Le propriétaire n’a pas le droit de remplacer le mobilier cultuel comme les chaises, les bancs, les vases sacrés, ce qui implique que curé et maire ont, tous les 2, à veiller à la bonne conservation et à la dignité de l’église.
Maire et conseil municipal ont la prérogative du choix de l’architecte qui doit être choisi sur la liste d’agrément.
Pendant la reconstruction, certains villages et certaines villes ont vu s’élever, à la place de l’ancienne église détruite, des édifices fondamentalement différents mais appelés à la même fonction, c’est-à-dire accueillir l’assemblée des paroissiens et évoquer la transcendance du mystère chrétien, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Quelques architectes ont trouvé des manières nouvelles de répondre à cet objectif, le contexte de l’évolution de la liturgie leur donnant l’occasion de repenser l’espace de l’église. C’est en réfléchissant à la manière de rassembler les paroissiens autour de l’autel qu’ils ont conçu de nouveaux plans. Plusieurs églises reconstruites dans le diocèse d’Arras se distinguent par le fait qu’elles innovent totalement en matière de plan. L’ « église-autobus » est enfin abandonnée pour permettre un nouveau type d’aménagement liturgique et donner une nouvelle atmosphère de piété dans les lieux de culte chrétiens.
La recherche est également formelle. Tout est mis en ceuvre, sur le plan architectural aussi bien qu’esthétique et décoratif pour mettre en valeur l’espace de célébration et faire ressortir l’autel. Alexandre Colladant a été le premier à employer un plan triangulaire pour une église du Pas-de-Calais, à Audinghen. Le plan et les formes seuls parviennent à transmettre un élan spirituel et se rattachent par là, à la tradition de l’architecture chrétienne.
3)° UNITE DE LIEU : le Diocèse d’Arras
L’inventaire complet des églises récentes du Diocèse d’Arras recense un patrimoine important du département du Pas-de-Calais, puisque leur nombre s’élève à soixante-neuf. L’enjeu de la seconde reconstruction en France en matière d’architecture religieuse est considérable. Il s’agit, au moins pour une partie éclairée du clergé, d’en finir avec les pastiches, de ne pas rater la seconde reconstruction, « comme elle le fut après l’autre guerre » (P. RÉGAMEY, « Reconstruire les églises. L’esprit et les principes. L’église dans la cité », L’Art Sacré, cahier 1,3e trimestre 1945, p. 2.)
Bien sûr à l’évêché d’Arras, certains encouragent une évolution de l’architecture religieuse et en tout premier lieu l’abbé Pentel, président de la commission diocésaine d’Art sacré. Mais c’est souvent par souci d’économie, et malgré les fonds des dommages de guerre, que les architectes et les conseils municipaux ont été poussés à opter pour des solutions modernistes, adaptant les matériaux de l’époque à l’architecture religieuse.
Pour l’architecte de Saint-Omer Joseph Philippe, l’emploi de la brique est lié à l’architecture locale mais aussi à l’influence qu’il a reçue de son maître, le moine bénédictin architecte Dom Bellot (1876-1944). Ce dernier appartient à cette première génération de constructeurs d’églises modernes, actifs dans l’entre-deux-guerres. Il était collaborateur de Joseph Pichard à la revue L’Art Sacré. Ancien élève des Beaux-Arts de Paris, moine à Solesmes, il construisit des églises en briques aux Pays-Bas, en Belgique, en France et au Canada. Il est considéré comme l’un des trois architectes « modernes » les plus impliqués des années trente avec Vidal et Perret. Comme eux, il a travaillé sur les matériaux, mêlant brique et béton mais est demeuré, dans les grandes lignes, fidèle à l’ordonnancement traditionnel. Joseph Philippe se rattache donc bien à cette lignée d’architectes. Les chantiers d’églises qu’il a dirigés à Landrethun-le-Nord (canton de Marquise) et à Enguinegatte (canton de Fauquembergues) sont des monuments reprenant la plupart des éléments de l’église traditionnelle : toit à deux fortes pentes en ardoises, ouvertures rectangulaires sur les deux côtés, abside rectangulaire isolant le chœur de la longue nef, clocher pointu flanquant l’édifice, ouverture décorative à l’emplacement de la traditionnelle rosace. Il réalisa à Wimereux, à la demande du Père Delpierre, l’oratoire de Notre-Dame de l’Univers, au chevet de l’église de l’Immaculée Conception.
Signalons que le premier domaine ayant permis à l’Église de renouer avec une véritable création artistique, est celui des arts plastiques. Dès la fin de la guerre, le père Couturier décide de mener plus avant le programme de Maurice Denis et de ses ateliers d’Art Sacré actifs entre les deux guerres (tels que LA NEF dont fit parti Henry Lhotellier), en y intéressant les plus grands artistes contemporains.
L’église Saint-Patrick de Boulogne-sur-Mer est un exemple de recherche d’expressivité des formes et des lignes architecturales. Ici, les formes évocatrices de la proue d’un navire ont un symbolisme fort. À l’église Saint-Martin de Marck (Calais-Est), l’architecte Maurice Suaudeau a utilisé le béton pour toutes les parties de l’édifice. L’ossature, le clocher mais aussi la voûte, sont en béton armé, et même l’oculus situé au-dessus de l’autel est en béton translucide. L’invention du béton translucide revient d’ailleurs à cet architecte, qui l’utilisa à Saint-Louis de Marseille la première fois pour les vitraux . L’église Saint-Martin de Marck est constituée d’une double ellipse. La couverture est elle aussi ellipsoïdale et légèrement bombée. Maurice Suaudeau a employé les procédés de préfabrication utilisés couramment dans l’architecture civile pour les adapter à l’architecture religieuse.
Enfin, le conférencier ne pouvait pas passer sous silence l’église « cubique » du Christ Ressuscité de Wimereux (quartier du baston), réalisée en béton en 1974 et selon des plans des plus utilitaires par le Père Henry Delpierre, tout en évoquant la magnifique verrière qui illumine tout le chœur, provenant de chapelle des Sœurs de Sainte Agnès à Arras, auxquelles la DASS retenait la gestion de la maison d’enfants « la Charmille » avec 300 enfants. La chapelle devenant salle de sports, le Père négocie personnellement afin d’acquérir les vitraux.
Exemples d’intégration des arts dans la 2nde Reconstruction dans le Nord-Pas-de-Calais :
L’intégration des arts sous-tend une grande part de la création religieuse au XX° siècle. Théorisée depuis le début du siècle. elle est vue comme un travail harmonieux des différents intervenants, dans l’esprit des artisans des chantiers des cathédrales. L’utopie d’une synthèse des arts connaît son apogée entre-deux-guerres. Des groupements d’artistes religieux se créent alors, mus par la volonté d’une collaboration des uns et des autres au service de la liturgie. Dans le Nord par exemple, la Société SaintMarc, composée d’artistes chrétiens de la région, est fondée en 1927. Si la synthèse des arts est un objectif pour ces artistes, c’est avant tout un moyen de lutter contre la prépondérance de l’art commercial dans les églises. Quelques architectes et artistes tentent à la Reconstruction d’aboutir à une synthèse des arts.
Deux chantiers d’églises de la Reconstruction dans le Nord-Pas-de-Calais se distinguent par le type de collaboration qui s’est instaurée entre architectes et artistes. À Marck et à Audinghen. le travail de l’architecte et des artistes a favorisé l’harmonie et la qualité des lieux de culte.