Musique au temps du Roi Soleil
Voyage
autour de ma Chambre
Une musique « de chambre » pour une invitation au voyage au travers des pièces de clavecinistes français des XVII-XVIIIe siècles : Johann-Jakob Froberger, François Couperin, Jean-Baptiste Forqueray, Marin Marais.
CONCERT : Mardi 30 juillet 20h30 aux salons de la Baie St-Jean, Wimereux , par Michèle Dévérité, clavecin
Au profit de la restauration de l’église de Wimereux
Prix des places : Tarif plein : 15€, gratuit pour les moins de 12 ans.
Billetterie :
- en ligne : cliquer dans la vignette ci-dessous
- Billetterie « Sous le sable il y a » 20, rue Carnot à Wimereux.
- Billetterie sur place le jour du concert (45 min avant le début)
Michèle Dévérité, à l’image de l’oeuvre du même titre de l’écrivain savoyard Xavier de Maistre en 1794, nous fait voyager en musique, depuis l’intimité de la chambre du musicien (qui n’est parfois que son unique univers), vers des territoires et voyages réels ou imaginaires au gré des compositeurs qu’elle interprète.
« Amis voyageurs, n’ayez pas peur! Arrêtez vous et écoutez mes paroles! Ici se termine votre route, votre vie et la mienne. Je suis celui, qui né naguerre, fut connu dans le siècle ; me voici, mort, nu et nul au sépulcre, poussière, cendres, et nourriture pour les vers. J’ai assez vécu mais trop peu en regard de l’éternité […].
J’étais musicien, considéré comme bon parmi les bons et ignare parmi les ignares. Et comme le nombre de ceux qui me méprisaient était beaucoup plus grand que le nombre de ceux qui me louaient, la musique me fut de peu d’honneur mais de grande charge ; et, de même qu’en naissant, je n’ai rien apporté en ce monde, en mourant, je n’ai rien emporté… »Marc-Antoine Charpentier Epitaphium Carpentari
Michèle Dévérité, claveciniste.
Le père de Michèle Dévérité était musicien et elle fut donc très tôt initiée à la musique qu’elle a commencé à étudier à l’âge de quatre ans, tout d’abord le piano avec des études complètes effectuées au conservatoire de Rouen. Après avoir découvert le Fandango du Padre Soler pour clavecin, elle explique avoir été fascinée par la couleur, l’énergie, le son de l’instrument. Pour autant, elle avoue que son premier cours de clavecin n’a pas été pour autant convaincant : « car, dit-elle, j’ai eu beaucoup de mal à associer le son aux touches, étant donné que le clavecin n’est pas accordé au même diapason que le piano, il y a un décalage. Difficile de s’y adapter lorsqu’on a l’oreille absolue ! Cela m’a beaucoup perturbée au début, j’ai tout de même mis un an à me demander si j’allais y arriver ! »
Elle a cependant poursuivi ses études en Belgique auprès de Robert Kohnen, professeur de clavecin, et Wieland Kuijken, professeur de viole de gambe, puis a enseigné à Metz pendant dix ans et ensuite au Conservatoire à Rayonnement Départemental de Paris-Saclay situé à Orsay, où le directeur de l’époque, Yves Giraudon, lui demanda de développer le département de musique ancienne, qui maintenant réunit treize enseignants. Elle seconde Jean-Pierre Nicolas qui en est le coordinateur. Y est enseigné la pratique de nombreux instruments anciens parmi lesquels les cordes, le hautbois, la flûte, l’orgue, la flûte à bec, le chant ou l’écriture ancienne et le solfège ancien. Ce département comprend aussi un orchestre baroque. Une licence et un master de musique ont été créés en partenariat avec l’Université de Saint-Quentin-en–Yvelines et le Conservatoire à Rayonnement Régional de Versailles. Un partenariat a été développé avec le Centre de Musique Baroque depuis quinze ans : les élèves musiciens participent aux Jeudis musicaux de la Chapelle Royale avec les Pages et les Chantres.
Michèle Dévérité a en même temps fondé l’ensemble Fitzwilliam – du nom d’un célèbre mécène du 17ème siècle qui collectionnait les partitions – avec Jean-Pierre Nicolas, avec qui elle a enregistré quelques disques chez Astrée, Auvidis et Zig-Zag Territoires, dont deux créations mondiales consacrées à Merula et Falconieri. Elle a monté des spectacles mêlant les sens et différents types de musiques, notamment les spectacle « Le Labyrinthe des cinq sens » et « Bric Baroque A Brac ». Elle effectue également des recherches sur les compositeurs italiens autour de 1600, pour certains mal connus, et qui auraient pu introduire en France la musique virtuose baroque.
Elle est spécialiste des compositeurs français Antoine et Jean-Baptiste FORQUERAY (XVIIIe siècle) : après quatre ans d’études approfondies sur la vie de ces musiciens. elle a enregistré au clavecin l’intégrale de leurs oeuvres, avec Kaori Uemura à la viole de gambe, Ricardo Rodriguez au continuo de viole de gambe, et Ryo Terakado au violon, distribuée par Harmonia Mundi (sorti en janvier 2018), récompensée par un Diapason d’Or (classée dans le « Choix de France Musique« ). Cette oeuvre bouleverse autant par sa puissance poétique, sa virtuosité, sa sensualité, que par les sombres secrets de famille qui l’entoure. « La violence et les tourments qu’il y a dans cette musique, dit-elle, m’ont toujours fascinée. » La musique de Forqueray est particulièrement difficile à jouer, considérée parfois comme injouable parfois ! Peut être cela est dû à l’influence italienne d’Antoine : il s’était pris de passion pour un italien, Maschetti. »
Michèle Dévérité s’est penchée méthodiquement pendant quatre ans sur leur musique et leur histoire de famille avant d’interpréter leurs oeuvres. En effet, l’étude du contexte familial et historique d’une œuvre permet d’apporter des explications et aide dans les choix d’interprétation. « Et c’est rapidement ici devenu captivant, dit-elle, comme une véritable enquête pleine d’énigmes ! J’ai même rencontré la descendante de la famille Forqueray : elle savait qu’Antoine n’avait pas bon caractère mais ignorait pas mal de choses. J’ai un peu l’impression de faire partie de sa famille maintenant avec toutes ces recherches ! L’histoire de cette famille est très compliquée ! » Le père, Antoine Forqueray, gambiste, marié avec Angélique Houssu, claveciniste de renom, était contemporain de Marin Marais et de François Couperin, et le fils, Jean-Baptiste, était contemporain de Jean-Philippe Rameau. Antoine Forqueray était adulé à la cour : il avait été présenté à l’âge de sept ou huit ans à Louis XIV qui, ébloui, l’intégra aux musiciens de la cour. Publiquement, il séduisait beaucoup mais en privé il était tout autre : il était caractériel, voire schizophrène, et violent, surtout envers sa femme. Ils ont eu huit ans de procès par la suite !
Son fils, Jean-Baptiste, était aussi bon gambiste que lui. Repéré lui aussi au même âge par Louis XIV, il fut de ce fait victime de la jalousie de son père qui l’emprisonna, et qui porta même plainte contre lui en inventant de fausses accusations pour aboutir à le faire exiler pendant dix ans ! Mais Jean-Baptiste était protégé par des mécènes (notamment le Duc d’Orléans dont il était précepteur de musique) : il put donc rentrer en France après un exil de quelques mois. En 1747, deux ans après la mort d’Antoine, Jean-Baptiste édite des pièces soit-disant de son père qu’il aurait retrouvées, en y ajoutant trois pièces de sa composition. Cependant on ne retrouve pas dans les pièces de jeunesse déjà connue de son Père Antoine la même harmonie violente ni la force d’écriture que dans celles qu’il fait éditer pour son père en 1747. De plus les pièces écrites dans cette édition par les grands musiciens de l’époque et dédiées à Antoine Forqueray ont été composées souvent par des amis du fils. Pourquoi dans cette édition auraient-elles été dédiées au père compositeur ? « Mon intuition, dit Michèle Dévérité, au regard de l’analyse des oeuvres – car je n’ai pas de preuves – est qu’en fait, c’est Jean-Baptiste qui a écrit les pièces de viole de gambe ! »
Michèle Dévérité explique que Jean-Baptiste Forqueray n’aurait pas revendiqué la paternité de ces propres pièces afin de leur octroyer un plus grand succès (et une vente substentielle) en les faisant passer sous la notoriété du père. On remarquera d’ailleurs que le père ne pouvait pas composer de si belles pièces pour clavecin alors que, si doué soit-il, il ne pratiquait pas cet instrument. Jean-Baptiste (gambiste et non claveciniste, tout comme son père) aurait d’ailleurs plutôt réalisé une édition initiale pour viole de gambe et basse continue, puis, la même année, en 1747, son épouse Marie-Rose Dubois, la meilleure claveciniste de son temps, aurait ensuite transcrit ces pièces de viole de gambe pour le clavecin. « A moins que, ajoute Michèle Dévérité, ce soit elle qui les aurait directement composées pour clavecin, et les aurait retranscrites ensuite pour viole de gambe pour son mari Jean-Baptiste ? … »