De la Passion à Pâques : un parcours sur le « Chemin de Résurrection », oeuvre de Nicole Hémard

Depuis Les Rameaux jusqu’à Pâques,
la Passion du Christ en images :
le « Chemin de Résurrection »,
oeuvre d’une artiste wimereusienne,
Nicole Hémard.

Avec les Rameaux s’efface progressivement pour les Chrétiens la période de Carême, et commence le récit de la Passion du Christ qui, en raison du confinement de plus de la moitié de l’humanité en cette période de pandémie COVID19, sera célébrée cette année d’une manière très inhabituelle par les chrétiens du monde entier pendant toute la Semaine Sainte jusqu’à Sa Résurrection à Pâques. Que l’on soit chrétien ou pas, c’est l’occasion d’essayer de comprendre et d’analyser une sculpture qui parle de cette Passion, réalisée par une artiste wimereusienne, qui a beaucoup travaillé pour l’église de l’Immaculée Conception.

Pour illustrer ces instants importants du temps liturgique dans la vie du chrétien, Nicole Hémard, sculpteur (ou sculptrice ?) wimereusienne, élève de Claude Gruer, a réalisé en 1993 et 1994, toute une séquence d’oeuvres, comme une bande dessinée, d’aspect naïf de prime abord, mais bien codifiée, et tout à fait attachante, au point qu’elle rayonne d’un bonheur simple, d’une espérance, et qu’elle transmet toute une philosophie de la vie (et bien plus…), à qui sait la méditer. Elle l’a intitulée « Chemin de Résurrection », et l’a conçue pour aider à suivre les différentes étapes de cette Semaine Sainte pour celui qui souhaite faire cette démarche. Cette oeuvre « phare », parmi celles de Nicole Hémard, a été réalisée pour l’église de Sainte-Catherine-lès-Arras, où on peut toujours la voir.

Ces 13 étapes (ou stations) choisies par l’artiste pour décrire la Passion du Christ jusqu’à sa Résurrection sont les suivantes :

  • 1. Les Rameaux,
  • 2. La Cène,
  • 3. Le Jardin des Oliviers,
  • 4. L’Arrestation du Christ,
  • 5. Le Reniement de Pierre,
  • 6. Chez Pilate,
  • 7. Rencontre avec les Femmes,
  • 8. Mise en Croix,
  • 9. Le Bon Larron,
  • 10. Mort du Christ en Croix,
  • 11. Piéta,
  • 12. Mise au Tombeau,
  • 13. Le Tombeau Vide.

Et la 14e étape eut été « Le Christ en Gloire » (si sa réalisation avait pu aboutir…). A sa place, de l’autre côté de l’autel, figure une autre œuvre de Nicole Hémard : l’Annonciation, récemment célébrée ce 25 mars dernier, comme un message d’espoir et de soutien solidaire pour toute l’humanité, (croyante ou pas) dans le contexte d’épidémie COVID19 actuel.

(NB : le panneau « annonciation » a été donné par Nicole HEMARD, en remerciement de la commande du « Chemin de résurrection » – Il s’agit d’une précision de Michel Debuyser que vous pouve retrouver parmi les remarques publiées par les lecteurs en bas de page – Michel Debuyser a réalisée en 2019 une conférence pationnante pour notre association au sujet de l’art sacré après-guerre, en hommage à Nicole Hémard récemment décédée. Pour voir sa conférence : cliquer ICI).

Chaque détail compte, chaque objet, chaque couleur, a un sens symbolique qui se rapporte à un passage de la Bible, qui peut parraître inapperçu pour ceux qui ne sont pas habitués à la littérature biblique. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, et qui ne sont pas opposées à revoir (ou découvrir) quelques notions de catéchisme, voici quelques exemples,

Pour le tableau de La Cène : Un petit chien se tient au bord de la table près des apôtres, il réclame les miettes du pain, ce pain normalement destiné aux « enfants du Maître » que celui-ci acceptera finalement aussi de lui donner, symbole d’ouverture du message de grâce pour les peuples paîens (Marc 7.24-30 et Matthieu 15.21-28) ; et la bourse tenue par l’un des apôtres désigne Judas et le prix de sa trahison (Matthieu 23.15). Au sujet de la trahison par Judas, Jésus dit : « afin que l’Ecriture s’accomplisse : Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon » (Psaume 41, 10 cité en Jean 13, 18).  « Celui qui a mis la main dans le plat avec moi, c’est celui qui me trahira. » (Matthieu 26.23) C’est pour symboliser cela qu’un ciboire contenant le pain se trouve à table devant Judas dans cette oeuvre de Nicole Hémard.

Pour le tableau du Jardin des Oliviers : l’Agneau au pied du Christ est symbole de l’agneau du sacrifice pascal (Exode 12.3).

Pour le tableau de la Mise en Croix : les dès symbolisent le tirage au sort du manteau (sans couture !) du Christ (qui est le symbole de sa dignité sacerdotale) (Marc 15.24 – Matthieu 27.35 – Jean 19.23-24 – Psaume 22.18) : en effet le droit romain autorisait les bourreaux, à titre de rémunération, à partager les vêtements de leur victime. Le manteau luxueux sans couture et que l’on ne peut découper au risque de lui faire perdre sa valeur, symboliserait l’unité de l’église. Quant à la gerbe de blé au sol, elle évoque le grain de blé qui doit mourir et tomber en terre, pour germer et donner « beaucoup de fruits » (Jean 12.24).

Pour le tableau de la Mort du Christ en Croix, les palmes représentent les palmes des martyrs, qui souffriront la Passion du Christ comme témoignage de leur sainteté profonde. La Colombe de l’Esprit Saint est ici présente comme dans d’autres stations de ce chemin. Et le bois de la Croix commence à bourgeonner…

Pour le tableau de la Mise au Tombeau, une représentation de Jonas entrant dans le ventre de la baleine, évoque l’espoir qu’il en ressorte trois jours plus tard comme dans ce récit de l’Ancien Testament (Jonas 2.1-11).

Pour le tableau de la Piéta : on peut voir la Ville de Jérusalem et son Temple, au loin, car le Golgotha est à l’écart de la ville ; mais ici le Temple de Jérusalem est celui qui sera détruit puis reconstruit en trois jours par le Christ (Jean 2.13-22) ; la Ville représente aussi la Jérusalem Céleste d’où sort une lumière, la lumière vers laquelle marcheront les nations (1ère lettre au Corinthiens 15.10) ; et le buisson à droite représente le Buisson Ardent, théophanie de Dieu apparue à Moise, cet humble berger qui ne savait pas parler à la foule, et qui serra chargé de conduire le troupeau de Dieu (Exode 3.1-7) ; ce buisson ardent brûle sans jamais se consumer, ce qui est symbole Vie éternelle et de présence divine… Partout sont plantés des cyprès, arbre toujours vert, au parfum d’éternité heureuse, figurant la Paix du « Jardin retrouvé ». Et sur le sol est présent le serpent, symbole du mal, il est mort au pied du Christ : c’est le serpent de l’inimitié introduite dès l’origine avec la Femme dans la Genèse (Genèse 3.15) et qui avait entraîné Adam et Eve à croquer la pomme ; c’est aussi le serpent qui ne peut plus attaquer les jambes du peuple conduit par Moïse tandis que le Serpent d’Airain (Nombres 21.6-9) est fixé sur la Croix pour le protéger, et c’est aussi le serpent que la Vierge, la Nouvelle Eve, terrassera (Apocalypse 12) (cette image est reprise par les représentation artistiques de l‘Immaculée Conception ou de l’Assomption) …

Dans l’église de Sainte-Catherine-lès-Arras, le « chemin de Résurrection » de Nicole Hémard est éclairé par une verrière longeant tout le bord droit l’église. Cette verrière est aussi intitulée « La Jérusalem Celeste » (des maîtres verriers Blanchet et Lesage), ses rayons de lumière colorée mettent en valeur l’oeuvre de Nicole, installée en face sur le mur latéral gauche.

Ce Chemin de Résurrection aurait dû aboutir sur un Christ Ressuscité dont elle avait le secret, Christ en Gloire, couronné, à la grande tunique royale dorée (sans pagne), selon la tradition de l’art roman, placé, bras écarté, en léger décallage par rapport au centre de la Croix, comme elle en réalisa pour les deux églises de Wimereux, celle de l’Immaculée Conception et celle du « Christ Ressuscité », et bien d’autres. Le message de Nicole Hémard pour les chrétiens est le suivant : « ce n’est plus un Christ souffrant et agonisant, tel que de nos jours l’iconographie traditionnelle du Christ en Croix nous le présente, mais sa Passion est pour Lui une élévation, le moment glorieux de son retour vers le Père, le moment de son intrônisation royale. C’est un Christ victorieux plein d’espoir qui, les bras écartés, invite le chrétien à le suivre par le chemin de gloire de sa Croix (où il a enduré tous nos maux pour tuer le mal) afin de le diriger vers la Résurrection accessible à chacun. » « Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12.32)

Par contre, le Christ Ressuscité de Nicole Hémard, placé dans l’église de l’Immaculée Conception de Wimereux conclue, tel un point d’orgue, la dernière étape d’un autre chemin, plus classique, chemin qui est parcouru dans toutes les église du monde, le Vendredi Saint, par les Chrétiens : il s’agit du Chemin de Croix qui a été réalisé ici par son maître, Claude Gruer : cf le Chemin de Croix de Claude Gruer (en cliquant ici)

Nicole Hémard

En 1994, date où elle acheva son Chemin de Résurrection, le futur cardinal Philippe Barbarin, alors curé de Boissy-Saint-Léger, avait commandé à Nicole Hémard une statue pour sa paroisse : la statue de Notre-Dame de la Plaine. En recevant son oeuvre, il résumait ainsi la biographie de Nicole Hémard :

« Elle sculpte pour répondre à l’attente des communautés. Elle a « entendu » l’appel de Jean-Paul II demandant aux artistes de mettre l’accent sur la Résurrection du Christ. Elle réalise un « Chemin de Résurrection » à Arras, nouvelle médiation du chemin de croix qui conduit jusqu’à la lumière de Pâques. Souvent, elle a sculpté le Christ crucifié et glorieux tout à la fois. Elle aime beaucoup la polychromie. Elle a travaillé pour le centre Jean-Paul II à Dax, pour l’église Saint-Thomas d’Aquin à Paris, pour la Cathédrale de Bangui (en République Centrafricaine) et celle de Compiègne (Christ Ressuscité, Vierge à l’Enfant, réfection d’œuvres anciennes)… »

C’est à cette artiste wimereusienne, que le futur primat des Gaules s’était adressé, pour modeler l’espace liturgique de sa paroisse, car il avait reconnu en elle, au travers de l’écran de son humilité et de sa modestie, à la fois ses qualités artistiques et sa capacité si unique de transmettre sa foi à nos contemporains. Ceci a été conforté par l’importance des commandes qu’elle a reçues par la suite : commandes de diverses communautés, paroisses, différentes cathédrales, en différents pays ou continents !

Vous retrouverez le détail de sa vie en cliquant sur la vignette correspondante. En résumé, voici quelques faits qui marqueront sa personnalité, tant sur le plan humain qu’artistique. Née en 1936 dans le Val d’Oise, d’un père décorateur de studio de cinéma et d’une mère pianiste, elle fut tôt sensibilisée à l’art. Durant la guerre sa famille dut quitter la région parisienne pour se réfugier sur la côte Normande. Nicole enfant fut confrontée sur son chemin d’exil à la souffrance humaine et à la mort, ce qui la marqua de façon indélébile, en lui donnant une hypersensibilité à la fragilité de la vie et une insondable confiance en la Providence ! Après la Libération, son père retrouva du travail sur Berk en 1946, puis la famille s’installa à Wimereux en 1947 alors que son père prit la tête d’une entreprise pour la reconstruction du port de Boulogne. Respectant la demande de ses parents, elle continue ses études en Lettres Classiques tout en s’intéressant à la musique (violon) et en s’inscrivant aux Beaux-Arts à Boulogne. En 1949, un camp de Guides Scout dans les Pyrénées-Orientales lui fait découvrir la pureté de l’Art Roman dont elle gardera une inspiration pour certaines des ses œuvres (Christs Ressuscités). En 1950, un camp itinérant vers Rome lui permet la découverte de la statuaire antique. Entre 1954 et 1955, elle participe aux Routes Internationales de la Paix en Allemagne et en Autriche, jusqu’à Vienne. L’occasion d’une immersion dans la sculpture baroque. En 1957 le sculpteur de Solesmes Claude Gruer, installe le chemin de Croix de l’église de Wimereux. Il remarqua son talent d’artiste et lui proposa d’étudier pendant un an dans ses ateliers. A son retour en 1958, le Père Delpierre, curé de Wimereux, qui avait été formé dans les ateliers artistiques des moines de Wisques, continua à parfaire sa formation en Art Sacré.

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  • Michel DEBUYSER

    en ce qui concerne le panneau « annonciation » il a été donné par Nicole HEMAR, en remerciement de la commande du « Chemin de résurrection »

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