Samedi 23 octobre : 2e partie de l’intégrale des Sonates & Partitas de JS BACH, par Guillaume Barly
Merci ! Magnifique récital que celui de Guillaume Barli, violoniste de l’orchestre de la Garde Républicaine, donné à l’église du Christ Ressuscité de Wimereux, pour la deuxième partie de l’intégrale des Sonates et Paritas de Bach, la « Bible des violonistes ». (Concert donné au profit de la restauration de l’église de l’Immaculée Conception).
Le violon est par nature un instrument fait pour déployer la dimension mélodique d’une partition ; les quatre cordes et les quatre doigts du violoniste représentent la limitation même des possibilités de cet ensemble instrument-instrumentiste que Guillaume Barli a magnifiquement dépassée. La main droite conduisait avec maîtrise l’archet et réalisait de subtiles nuances expressives. En revanche, cette simplicité de moyen fut transcendée par la combinaison des accords, des arpèges, que Bach avait hérité de la tradition allemande mais qu’il magnifiât à un tel degré de complexité qu’elle fît passer le violon comme un instrument pouvant rendre une dimension à la fois harmonique et mélodique, exprimant la polyphonie. Ce que ici Guillaume Barli prouva avec brio ! Bach a visé dans ses sonates et partitas de transfigurer l’art violonistique pour le rapprocher de l’art organistique, le faisant passer de la simplicité mélodique à la complexité sonore de la polyphonie.
L’écriture de ces sonates fait appel à une polyphonie incomplètement entendue, soit suggérée. Comme les possibilités combinatoires des sons du violon n’ont pas la même étendue que celle de l’orgue, Jean-Sébastien Bach a recours à une écriture harmonique incomplète que Guillaume Barli a su rendre complète à l’écoute par l’habileté de sa technique de la main gauche et de son jeu d’archet. Les notes constituant la basse continue sont accentuées pour soutenir l’ensemble mélodique au sein duquel certaines doubles cordes sont maintenues jusqu’à la note mélodique suivante afin de rendre cette suggestion polyphonique que Guillaume Barli a su transmettre à l’auditeur tout en suivant le mouvement mélodique.
Cette deuxième partie de l’intégrale présentée par Guillaume Barli nous a permis d’écouter les sonates nº 1 et 3, séparées l’une de l’autre par la 1ère partita.
Les sonates sont du style sonata da chiesa, (ou sonate d’église) ; chacune étant un bijou de spiritualité en quatre mouvements alternant toujours les tempi vifs et allants.
Pourquoi ces sonates sont appelées sonata da chiesa ? Parce qu’il était d’usage lors de la messe luthérienne lors de la Communion, que soit joué un concerto ou une pièce pour instrument seul, le plus souvent le violon. Le fait même de donner un titre écrit en langue italienne à ces sonates et partitas est un signe révélateur de l’attachement affectif de Bach pour le violon, cet instrument d’origine italienne des grands luthiers de ce temps (Antonio Stradivari, Guarnerius del Gesu) installés à Crémone, qui en firent un joyau intemporel.
On remarquera l’importance croissante que prend la fugue, toujours plus longue en progressant de la sonate I à la sonate III. Les développements y sont d’une grande complexité et ne sont pas sans rappeler les fugues des Fantaisies et fugues pour orgue, notamment celle en Sol mineur (BWV 542). Curieusement la fugue de la troisième sonate pour violon (BWV 1005) est la plus longue des fugues écrites par Bach, y compris parmi celles pour orgue ou pour clavier … Bach destine au violon cette immense et complexe fugue de la 3e sonate BWV 1005, alors que le violon est un instrument à corde par nature monodique, proche de la voix humaine, par opposition à l’orgue, instrument à vent, lequel est la référence pour exprimer la forme musicale polyphonique où les voix entrelacent leurs chants contrapuntiques.
Les Partitas sont inspirées des sonates « de camera » (sonates de chambre) : elles sont organisées en suites de danses au tempo tantôt rapide tantôt lent : ici dans la 1ère partita se sont succédées « allemande», « courante », « sarabande », « bourrée », enchaînées chacune avec leur « double » (variations plus complexes et plus allantes). Elle nous ont fait voyager, sous l’archet de Guillaume Barli, dans un tourbillon de vitalité et de virtuosité, tout en alliant musicalité et poésie.
Chaque mouvement nous semblait être l’aboutissement dans l’ascension de l’art de Bach, et chaque mouvement suivant nous prouvait le contraire, déplaçant encore plus haut ce sommet.
On remarqua un sublime accord final sur deux cordes en pianissimo d’une douceur tenue dans le temps d’un point d’orgue sans tremblement…
Le violoniste a réussi à créer avec les quatre cordes de son instrument une telle musicalité et une telle multitude de couleurs, qu’elles semblaient être issue d’un orchestre. Et à en faire pâlir d’envie un organiste…
Cette volonté de structurer ses sonates et partitas comme une œuvre orchestrale était bien presente dans l’esprit de Bach, au point qu’il en fit lui-même des transcription pour orgue.
A la solennité (sol mineur) et à la gravité de la 1ère sonate a répondu, sous l’archet de Guillaume Barli, la légèreté quasi romantique de la partita I (BWV 1002 – si mineur), aux accents pastoraux dansants mêlés à une douceur sentimentale.
De la première sonate en sol mineur (BWV 1001), la fugue fut transcrite en ré mineur pour l’orgue (BWV 539) avec toute la polyphonie que le violon ne peut faire entendre en sa complétude mais seulement laisser suggérer. Le prélude de cette sonate en sol mineur résonne par maintes ressemblances avec la fantaisie et fugue en sol mineur pour orgue.
L’adagio de la troisième sonate en ut majeur (BWV 1005) fut transcrite en sol majeur pour le clavecin (BWV 968). Et le prélude de la partita en Mi majeur (BWV 1006) a été réutilisé dans la cantate en ré majeur BWV 29.
Tout l’art de Guillaume Barli a résidé dans sa manière d’interpréter la partition que Jean-Sébastien Bach a écrite sans fioriture ni commentaire, ni indication d’aucune sorte, comme un libre choix donné, en ces pages devenues intemporelles, alliance de la dimension sacrée (sonates) et de la dimension profane (partitas).
Encore bravo, « maestro » !
Merci à Opalsinfonietta pour sa collaboration pour nous avoir présenté cet artiste talentueux !
PS : et merci à Jean-Sebastien … pour son génie !