L'association AEICW
Homélie de l’Abbé Pierre Boidin
du 3 décembre 2018
1er dimanche de l’Avent B
Is 63,16b-17.19b ; 64,2b-7) – Ps 79 (80),2ac.3bc,15-16a,18-19 – 1 Co 1,3-9 – Mc 13,33-37
PREAMBULE
LE NOTRE PÈRE
C’est aujourd’hui que commence la récitation du « NOTRE PÈRE » avec, à la fin, un changement de texte. Nous ne disons plus : « et ne nous soumet pas à la tentation », mais : « et ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Voila qui perturbe certains ou certaines. Pourquoi ce changement ?
D’abord, nous, les plus anciens, nous avons connu un changement bien plus important dans les années 60, quand tout le « Notre Père » nous a amenés à tutoyer Dieu, alors qu’avant on le vouvoyait… comme encore souvent nous vouvoyons la Vierge Marie.
Pourquoi le changement du « Notre Père » dans la version française ? Parce que : « ne nous soumets pas à la tentation », ça évoque un Dieu qui fait subir la tentation qui serait l’auteur de la tentation… Or la tentation, c’est l’oeuvre du mal qui cherche à nous éloigner de Dieu, à nous séparer des autres. Désormais, nous disons : « ET NE NOUS LAISSE PAS ENTRER EN TENTATION ». C’est-à-dire : « Aide-nous à être plus forts face au Mal, au Tentateur.
L’important, pour les Eglises et les Communautés francophones, c’est que les chrétiens continuent à dire ensemble la prière que Jésus lui-même a enseignée.
NDLR : voici le message de l’Abbé JP Boutoille au sujet de la nouvelle formule du Notre-Père : Le changement de la prière du Notre Père entrera en vigueur le 3 décembre 2017 comme prière officielle avec l’accord du Saint-Siège, pour les célébrations publiques. Cette traduction est mieux ajustée au texte original donné par Jésus à ses disciples. La nouvelle traduction écarte l’idée que Dieu lui-même pourrait nous soumettre à la tentation. Le verbe « entrer » reprend l’image d’un mouvement comme on va au combat. Car il s’agit bien du combat spirituel dont il s’agit. Cette épreuve de la tentation est redoutable pour le fidèle comme elle fut pour Jésus dans le désert et au moment de son agonie. Recevons cette prière et disons-la avec foi, espérance et charité comme disciples de Jésus qui veulent lutter contre le Mal et refuser les tentations qu’ll nous inspire. Entrons avec lucidité dans le combat de Dieu pour un monde meilleur et plus fraternel. (D’après le dossier de la Conférence des Évêques de France.)
Pour en savoir plus : http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-safoi/prier/445077-445077/
HOMELIE
Ce matin, aujourd’hui, je vous invite à méditer, à nourrir, notre vie humaine et chrétienne à partir de ces 3 thèmes, ces 3 mots : REDÉCOUVRIR, ÉLARGIR et MÛRIR… ou plus précisément : ME REDÉCOUVRIR, pour M’ÉLARGIR et bien MÛRIR.
-1- ME REDÉCOUVRIR
La 1ère lecture, un texte du prophète Isaïe, commence ainsi : « C’est toi Seigneur, Notre Père, notre rédempteur depuis toujours’. Et voici la dernière phrase de cette 1ère lecture : « Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main. » C’est l’image du potier. Le pape François lui-même l’a exprimé ainsi en disant : « L’humilité c’est d’abord nous rappeler que nous ne nous sommes pas fait tout seuls. »
C’est pourquoi il est important de s’arrêter, de prendre le temps, de parcourir en pensée les grandes étapes de notre vie … Certes mes parents ont une grande importance : c’est par eux, Seigneur, que tu m’as appelé à l’existence, que tu m’as transmis la vie. Pensons à cette réalité si bien exprimée dans un psaume : « Seigneur, tu m’as tissé dans le sein maternel »… Parents, grands-parents, vous m’avez transmis des valeurs de justice, de solidarité, d’attention aux plus faibles, vous m’avez conduit à l’Eglise, et aidé à rencontrer Jésus, à le connaître progressivement, à donner tout son sens à ma vie, une vie éclairée, nourrie, fortifiée par la Parole et le Corps du Christ ressuscité… Et tu m’as parlé, tu m’as, aussi, éclairé, guidé, par celles et ceux que tu m’as fait rencontrer et qui ont également facilité ma croissance…, croissance humaine, croissance intellectuelle, croissance chrétienne. Du coup, défilent devant moi les visages d’enseignants, de prêtres, de religieuses, de voisins, de chrétiens, engagés dans les mouvements, dans l’Eglise, dans les associations, des clubs… Ce sont les souvenirs de lectures qui m’ont marqué sans oublier tel ou tel pèlerinage ou retraite spirituelle.
Pour beaucoup, il y eut la merveilleuse rencontre de celui, de celle, qui est devenu votre conjoint… avec lequel vous avez fondé une famille. Chacun peut aussi se souvenir qu’il s’est construit à travers des joies, des peines, des réussites et des échecs… sans oublier des mains tendues, des réconforts, alors que l’on commençait à désespérer.
Me redécouvrir fils du Père, frère du Christ, tout habité par l’Esprit Saint, c’est essentiel, mais il ne faut pas s’arrêter là pour autant. Me redécouvrir, c’est important, pour continuer à M’ÉLARGIR.
-2- M’ÉLARGIR
Pour la plupart d’entre nous, c’est à dire pour les adultes, m’élargir ce n’est pas au sens de la taille, du volume ni du poids !
Dans la fin de la 2e lecture, saint Paul disait aux Corinthiens, et il nous dit aujourd’hui : « Dieu est fidèle, lui qui nous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus-Christ Notre Seigneur.
L’union, la communion avec Jésus, ce n’est pas une situation acquise ; notre vie avec le Christ, c’est une relation toujours en construction, en élargissement. Si nous sommes vraiment convaincus que « la mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure » (Saint Augustin), alors il y aura dans notre cœur de plus en plus de place pour l’Amour de Dieu et l’Amour des autres. Nous serons de plus en plus des personnes au cœur ouvert dans un monde éblouissant, toujours en croissance avec ses technologies de plus en plus sophistiquées, merveilleuses, mais qui menacent de trop nous « river » uniquement à la terre, à la vie matérielle, et, même, matérialiste.
M’élargie, c’est relativiser l’importance des technologies modernes, ne pas en devenir des esclaves au cœur de plus en plus fermé et froid.
M’élargir c’est regarder les autres, avec Jésus ; c’est les accueillir, les aimer, les aider comme Jésus veut le faire par nous dans le monde d’aujourd’hui. Les autres : ce sont les chrétiens et combien d’autres croyants ou non-croyants dans le monde qui sont persécutés torturés, tués, chassés et même parfois, vendus, comme du bétail. Les aimer, les aides, c’est tenter de résoudre les problèmes de la faim, du logement, du droit au travail ; ce n’est pas seulement en Afrique, en Asie, mais aussi chez nous, en France, dans les Hauts-de-France, parmi les proches.
Le weekend prochain se déroulera le Téléthon. Quelle extraordinaire mobilisation nationale… qui rassemble tant de personnes de bonne volontés, croyantes, incroyantes, en recherche… Pour beaucoup, c’est une mobilisation qui dure toute l’année. Le Téléthon, n’en déplaise à quelques-uns, ce n’est pas la grande « charité-spectacle » annuelle. Les jeunes touchés par la myopathie et d’autres maladies rares…, leurs parents, leurs frères et sœurs, sont concernés durant toute l’année, 24 heures sur 24. Le Téléthon nous permet d’abord de changer nos regards : pour regarder, aimer, aider comme Jésus, avec la sensibilité de Jésus quand il parcourait la Palestine. L’essentiel des dons est utilisé pour mettre au point des traitements. Des savants, des chercheurs passionnés, avancent de plus en plus dans la recherche et la mise au point de traitements de plus en plus efficaces, grâce à cette solidarité nationale.
Bref, se REDÉCOUVRIR et S’ÉLARGIR, c’est révéler, transmettre, l’Amour de Dieu, en aimant et en servant, avec le Christ, le monde d’aujourd’hui, pour le rendre plus humain, plus fraternel.
Se REDÉCOUVRIR et S’ÉLARGIR, c’est aussi : BIEN MÛRIR
-3- BIEN MÛRIR
Bien mûrir, c’est-à-dire, garder une solidité intérieure, dans la foi, dans l’amour de Dieu et des autres, dans la société actuelle, sans sombrer dans le défaitisme, et aussi, en étant réaliste, dans un monde qui a évolué très vite et même trop vite… Certes, aujourd’hui nous débutons les 4 semaines de l’Avent, qui nous préparent à un nouvel accueil de Jésus en célébrant Noël le 25 décembre. Mais voici, aussi, comme l’on dit, le temps, la période, « des Fêtes » ; c’est le temps de générosité, de services renforcés auprès des personnes seules, pauvres, sans domicile… Et, plus encore, on essaie d’en faire des temps forts de la vie familiale, on se retrouve malgré parfois de longues distances, on fait le maximum pour se rassembler chaleureusement, manifester son affection, par des cadeaux.
C’est vrai que je mets facilement en garde sur l’utilisation des écrans les plus diverses. Et je vous souhaite de vivre avec beaucoup de dialogue et d’amour cette période de Fêtes. Je vous propose de les préparer dès aujourd’hui, en vous invitant à échanger, en famille, entre amis, sur ces 2 faits que j’ai vécus en écoutant deux mamies, d’environ 70 ans. Je les cite, sans proposer la moindre solution… C’est à vous, éventuellement, d’en trouver, pour votre propre famille.
Je commence par Julie : « Je n’ai jamais été autant photographiée de ma vie. Mais je n’ai jamais eu aussi peu de photos. je fais promettre à mes enfants et petits enfants de me remettre des photos. Mais ils ne m’en donnent pas ! Pourtant ils en ont des centaines dans leur machines. Ils ont ce qu’il faut pour les imprimer, mais ils gardent tout dans la machine… Pourtant, avant, j’aimais bien faire les albums, maintenant je ne peux plus. On appelle ça le progrès ! »
La deuxième mamie, c’est une Marie-Thérèse : « Avant ma petite-fille m’écrivait. J’aimais bien lire et relire ses courriers. Puis elle s’est mise à me téléphoner. Maintenant, et à n’importe quelle heure, elle m’envoie des textos. Je n’entends même plus sa voix… Il paraît que c’est ça le progrès ! »
Et donc : « bons dialogues en famille », à partir de ces deux constatations exprimées par deux mamies. Quelles leçons en tirez-vous ?
Et : Bon temps de l’AVENT !
Que chacun puisse :
- SE REDECOUVRIR
- S’ELARGIR
- BIEN MÛRIR…
jusqu’au jour où s’achèvera, inévitablement, notre passage sur terre.
Rappelons-nous les paroles de Jésus dans l’Evangile : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. Je le dis à tous : VEILLEZ ! »
AMEN !