L'association AEICW
Homélie de l’abbé Pierre Boidin du17 juin 2018
11e dim. du TO année B: Ex 17, 22-24 – Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16 – 2 Co 5, 6-10 – Mc 4, 26-34
En ce 11e dimanche du Temps Ordinaire (jour de la fête des pères), les 3 lectures nous aident toutes et tous à réfléchir sur les 3 dimensions de la vie : le VÉRITÉ, la PAUVRETÉ et la RESPONSABILITÉ.
-1- JOUR DE VERITE
Saint Paul dans la 2e lecture dit : « nous savons que nous demeurons loin du Seigneur tant que nous demeurons dans ce corps … » Pour Saint Paul, le plus important c’est d’habiter chez le Seigneur éternellement… Saint Paul voudrait déjà y être… En attendant, il a confiance dans le Seigneur, il a souci de lui plaire au maximum jusqu’au jour où, libéré de son corps, « il apparaîtra à découvert devant le tribunal du Christ pour recevoir ce qu’il aura mérité, pendant qu’il était dans son corps ».
Sœur Emmanuelle voyait ainsi ce passage à la vie éternelle… abandonnant son corps, comme le 1er étage d’une fusée, alors son âme, son être spirituel, serait catapulté dans les bras du Père.
Croyants, chrétiens, frères, sœurs du Christ : c’est notre conviction… Nous le disons : la vie sur terre ce n’est qu’un passage. Une vie, même longue, n’est qu’un petit moment dans l’histoire de l’humanité… L’important, c’est d’aimer Dieu et d’aimer les autres, de vivre en enfant de Dieu et de connaître un jour le bonheur éternel…
A chaque instant, Dieu nous voit, Dieu nous aime tels que nous sommes. C’est son regard de vérité et son amour qui sont essentiels pour chacun.
Mais, aussi, nous ne vivons pas toujours dans la pleine vérité notre passage sur terre… parfois, c’est le regard des autres sur nous qui est plus important que le regard de Dieu et c’est la tentation du « paraître », d’une « belle façade ».., l’importance excessive donnée au look, à la ligne, au poids… Le camouflage, des rides, jusqu’au remodelage du visage, la recherche d’une musculature exceptionnelle. On essaiera de se donner une honorabilité grâce à des relations publiques, par des gestes, apparemment généreux, mais en réalité très intéressés…
VIVRE chaque jours dans la vérité, ce n’est jamais un acquis définitif… ce doit être surtout un combat de chaque jour, pour être vrai, pour demeurer, avant tout, sous le regard de Dieu. Chaque journée, jour de vérité, mais aussi de PAUVRETÉ.
-2- JOUR DE PAUVRETÉ.
-a- Chaque être humain, à sa naissance, est un PRÉMATURÉ, à la différente du monde animal, qui reproduit très vite les gestes de l’espèce. Ainsi les goëlands vont éclore au printemps sous des toits plats, ils vont s’envoler cette année, tandis que pour les enfants humaines nés cette année, combien d’années leur faudra-t-il pour « voler » (comme on dit) « de leurs propres ailes « . Nous, c’est durant toute notre vie que nous avons besoins des autres.
-b- Nous n’avons jamais eu autant besoin des autres, dans l’histoire de l’humanité, nous les habitants des pays les plus riches. Si nous avons un certain âge, pensons à des grands-parents, arrières grands-parents, dans leur fermette du boulonnais ou d’ailleurs : ils se chauffaient et cuisinaient avec leur bois, se nourrissaient avec les produits de leur production : légumes, fruits, viande, volailles, œufs… Ils pompaient l’eau de la puits, se déplaçaient à pied ou avec leur cheval. Ils se suffisaient pour leurs besoins quotidiens ordinaires.
Mais nous aujourd’hui, avec les progrès, nous n’avons jamais été aussi dépendants les uns des autres… pour l’eau courante, le gaz, l’électricité, la nourriture, les moyens de transport, les soins médicaux, chirurgicaux, moyens de communication, voitures, trains, tablettes, smartphone, internet …
Même si nous sommes bien portants, ça en fait du monde à notre service, à mon service tous les jours. Sans électricité, certains ne pourraient pas ouvrir leurs persiennes, faire fonctionner les congélateurs … Voici un exemple de dépendance de notre société moderne : mercredi à la gare Saint-Lazare, à cause d’une petite boîte électrique usagée défectueuse, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ont été privées de train. Autre exemple : les inondations dans toute la France : que de pauvretés qui appellent l’aide des autres !
Chaque jour je suis un pauvre, car j’ai tellement besoin des services des autres. Chaque jour est un jour de vérité, de pauvreté, mais aussi de RESPONSABILITÉ.
-3- JOUR DE RESPONSABILITÉ
Nous recevons beaucoup, nous sommes appelés à donner… à semer…, nous avons la grande mission d’être les « jardiniers de Dieu », d’être les semeurs de la Parole de Dieu pour faire grandir le Royaume de Dieu, dont chacun fait partie.
Dans la 1ère lecture, c’est Dieu qui parle par Ezekiel : il évoque le jeune rameau pris au sommet d’un grand cèdre. On le plante et il deviendra à son tour un cèdre magnifique. Et dans l’Évangile, c’est Jésus lui-même qui compare le règne de Dieu à du grain semé dans un champ et qui devient un bel épi. C’est la petite graine de moutarde qui, une fois plantée, va grandir et dépassera les plantes potagères, avec de longues branches où les oiseaux peuvent faire leur nid. En évoquant la nature, je me permets de vous proposer une nouvelle fois cette comparaison que nous vivons chez nous : une salade, une magnifique laitue… au départ : c’est une petite graine en terre, … puis une petite racine avec 2 ou 3 petites feuilles. Et là, la main de l’homme intervient : on repique ces petites feuilles avec la petite racine… et à l’arrivée… Une énorme laitue bien fournie avec plein de grandes feuilles bien serrées… ! Où est l’ordinateur qui a géré cette croissance ? Ça dépasse de beaucoup le travail de l’homme, même si ce travail est indispensable. Chaque jour, Dieu compte sur nous, Dieu a besoin de nous. C’est lui qui fait l’essentiel, et pourtant il a voulu QUE NOUS SOYONS INDISPENSABLES. Chaque jour est un jour de RESPONSABILITE…
Comment ? Je vous propose tout simplement d’accueillir les paroles prononcées en juin 2012 à Ambleteuse par Jean VANIER, le Fondateur de l’ARCHE, à l’occasion des 40 ans de l’Arche des 3 Fontaines, où vivent ensemble des personnes handicapées et des accompagnants, en dehors des soucis de normalité, de réussite ; chacun donne aux autres, chacun reçoit des autres. Je cite, sans commentaire, mais assez longuement, quelques passages d’après mes notes de son exposé et de celles parues alors dans La Voix du Nord sous le titre : « Les handicapés nous font du bien » :
« Chaque être humain est important, il peut apporter quelque chose de beau à l’humanité, à l’Eglise. »
« Aux côtés de personnes fragiles qui, souvent ont beaucoup souffert, nous avons le souci de révéler à chacun qu’il est plus beau qu’il ne l’imagine. »
« L’important, c’est la rencontre de l’autre, pour l’écouter, mais aussi le recevoir dans ma vie…! »
« Nous vivons dans une société dominée par la tyrannie du gagner plus, du grimper dans l’échelle sociale, c’est la compétition permanente, la rivalité. Les plus faibles sont écrasés. »
« L’agressivité est souvent l’expression d’une volonté de pouvoir… On critique, on condamne, on juge, au lieu d’accueillir, chacun avec son histoire, au lieu d’abattre les murs de la haine, du rejet … »
« L’opposé de l’agressivité, de la violence, c’est la tendresse, c’est la façon d’accueillir l’autre, de lui dire : ‘Tu es important’ ! «
« Le signe de la maturité humaine : c’est la TENDRESSE. »
« Nous sommes nés pour grandir en capacités, en responsabilités… et nous sommes nés aussi, pour plus tard nous affaiblir… »
« La vie est un cheminement dans lequel il faut intégrer la mort à la vie… »
« Avec l’âge, devenir plus faible et même de plus en plus faible, ce n’est pas une humiliation. Je dois accepter d’avoir besoin de l’autre… La faiblesse vécue dans l’entraide devient chemin de fraternité et d’humanité. »
« Nous avons besoin de spiritualité, pour ne pas juger, pour surmonter l’angoisse, la peur de perdre quelque chose ou quelqu’un. »
« J’ai besoin d’une force qui conduit à aimer, qui m’aide à découvrir ce qui doit changer en moi. »
« Nous devons manifester, construire la paix, en grandissant dans l’amour à force de dépassements. »
« Il faut créer des lieux où l’on peut vivre l’écoute, l’amitié et surmonter les conflits. »
Que les paroles de Dieu, et celle de Jean VANIER, données et méditées aujourd’hui, et que cette eucharistie, nous encouragent fortement à faire de chacune de nos journées :
- un jour de VÉRITÉ
- un jour de PAUVRETÉ
- un jour de RESPONSABILITÉ
AMEN !