Homélie du Père Philippe Thiriez du dimanche 30 juillet 2017

L'association AEICW
2 août 2017

Homélie du Père Philippe Thiriez du dimanche 30 juillet 2017

Homélie du Père Philippe Thiriez
du dimanche 30 juillet 2017

17e dimanche du Temps Ordinaire – 1R 3, 5,7-12 – Ps 118, 57, 72, 76-77, 127-128, 129-130 – Rm 8, 28-30, Mt 13, 44-52

INTRODUCTION A LA MESSE
Ce dimanche nous fait lire les 3 dernières paraboles du chapitre 13 qui rassemble à lui tout seul 7 paraboles, que nous avons commencé à explorer les dimanches précédents. Les 1eres  paraboles, celles de l’ivraie et du blé, du grain de moutarde et du levain, donnaient une explication des échecs de la mission de Jésus : jusqu’à la fin des temps, les bons et les mauvais cohabiteront sur cette terre, car – contrairement à l’attente de certains prophètes comme Jean – la séparation des justes et des pécheurs n’interviendra pas au cours de l’histoire. On ne peut pas faire le tri pour séparer les mauvais des bons, pas plus qu’on ne peut séparer l’ivraie du blé. Et la raison en est que le bien et le mal sont présents dans chaque cœur humain.

Les dernières paraboles de ce dimanche se situent dans une ligne semblable mais elles vont développer d’autres aspects du règne de Dieu…

HOMÉLIE
Ici, aujourd’hui, à Wimereux, il y a un air de vacances. Le mot vacances, c’est une peu une idée de vide, de relâchement. On a envie de débrider nos vies, de nous excentrer de notre quotidien. Le Seigneur nous invite aujourd’hui, au contraire, à nous recentrer, à prendre notre vie en main, à faire un peu le tri, à revoir nos valeurs essentielles, à voir ce qui nous fait vivre en vérité, voir ce qui fait l’essentiel de notre vie.

Aujourd’hui dans les lectures : il y en a pour tous les goûts : les hommes, les femmes, les enfants.

Il y a d’abord cet homme qui s’en va labourer un champ. Il est métayer, il n’est pas propriétaire. Il travail cette terre, qui lui a été confiée… Et puis voila que sa charrue accroche, et il trouve « un trésor ». Il l’y laisse, referme vite le trou, et s’en va en se disant « si je pouvais acheter ce champs… ! » (Entre parenthèse, aujourd’hui, dans sa démarche, il y aurait conflit d’intérêt…). Il désire donc ce trésor. Et puis finalement donc, avec tous les biens qu’il a et qu’il va vendre, il va acheter ce champ, et le trésor est à lui ! Ce trésor à désirer plus que tout, c’est le Royaume des Cieux qui vient, intimement, à notre rencontre, discrètement, « dans cette terre » de notre quotidien, qui nous a été confiée, et où nous travaillons.

Deuxième image : un négociant en perle fines. Ceci n’est pas sans évoquer la magnifique peinture du peintre flamand, Johannes Vermeer, intitulée« La Jeune Fille à la Perle ». C’est cette perle là (ce négociant est un expert ; et il l’a reconnue entre toutes), elle dépasse toutes les autres, et c’est elle qu’il lui faut ! (En grec, la perle se dit « Margaritha » : ce n’est pas une fleur, c’est une perle!) Cette perle, elle coûte bien plus que toutes les pacotilles du monde : pour elle, on « bazarde » tout, on échange tout. C’est celle-là qu’il faut. Il n’a peut être pas assez d’argent, mais il sait très bien que, sur la place publique, tout peut se négocier !(le texte dit d’ailleurs : l’ « Agora »…). Cette perle fine, il le sait, elle vaut plus que tout ce qu’il possède, mais il vendra tout ses biens, et l’obtiendra malgré tout. Cette perle, c’est le Royaume du Christ ! Et, si on le désire, on est prêt à faire un choix, à tout négocier, dans les relations avec les autres, avec leur accord, jusqu’à mettre en jeu tous nos biens, pour acquérir ce bien, plus précieux que tout !

Troisième parabole : elle concerne un peu les enfants, ceux qui vont sur les étendues de sable, après les grandes marées, à marée basse, avec leur filet à crevette. En relevant leurs filets, ils s’émerveillent : « Ah en voila une ! Et là, encore une plus grosse ! » Le soir, on va aussi dans les mares, lorsque la marée descend, pour pêcher « le bouquet », qui ne se sort qu’à la tombée de la nuit. Cette pêche, c’est aussi, à l’image des enfants, l’émerveillement devant la venue du Royaume. L’image du filet, dont parle l’Évangile, évoque aussi, sur la côte d’Opale, pour les adultes, les métier de la pêche. On parle ici de la pêche à l’épervier, et puis aussi du trémail (comme vous avez peut-être pu le voir magnifiquement décrit à Nausicaa). Cette fois, dans les filets, on ne va pas à la quête personnelle d’un objet unique, mais « on ratisse large » pour transmettre un bien précieux aux autres. On passe de l’unique à l’universel, du secret du cœur à la pêche au grand large. Et le Royaume des cieux se révèle à présent non plus seulement dans sa profondeur intime, mais dans son étendue sans limite. Le filet de l’Église a une vocation catholique. Non pas pour conquérir ou dominer le monde, mais pour le servir.

Mais dans ces filets, il y a tout un tri à faire : on ramasse tout un tas de cochonneries. Ici, dans l’Évangile, ce sont les Anges qui font le tri. Ce ne sont pas les hommes, ce n’est pas l’église, qui trie ! Laissons cela à Dieu ! Ce tri évoque aussi la parabole de l’ivraie de la semaine dernière, où, à la fin, il faut choisir : le bon grain, ou l’ivraie…

Pour les pêcheurs, « un euro c’est un euro ». On ne jette pas ce qui a de l’intérêt, et on ne prend pas n’importe quoi. On garde ce qui a de la valeur. Il s’agit ici d’un discernement. C’est d’ailleurs ce que demande Salomon dans sa prière, et c’est ce que nous devons demander : « Seigneur, tu sais, je n’ai pas la carrure de mon père…, je suis un peu jeune…, je viens de me marier…, j’ai une famille, une femme, des enfants, j’ai des contraintes, j’ai une entreprise, des responsabilités, des ouvriers, des serviteurs, des collègues… »

Ceci nous rappelle que nous sommes tous responsables de quelqu’un. C’est ainsi qu’il y a trois degré dans notre vie :
Le premier degré : notre relation directe et intime au Seigneur : je suis engagé, j’ai été baptisé, je suis disciple. Nous savons qu’un trésor est dans notre champ, et nous allons tout faire pour l’acquérir. Le texte parlera ensuite de scribes devenus disciples qui gèrent l’ancien et le nouveau. Nous avons des choix à faire. Jésus parlera aussi du bon vin et de l’ancien…
Le deuxième degré : ce sont mes rapports sociaux. Je suis responsable de mon conjoint, de ma conjointe, je suis responsable de mes enfants, je suis responsable de mes parents. Quelle place je leur donne dans ma vie ? Comment je peux « négocier » cela pour permettre d’accomplir mes responsabilités sociales sous l’éclairage de ma foi ?
Le troisième degré : c’est, ensemble, ce qu’on transmet. C’est notre mission. La Mission ! Le fruit de notre pêche au filet. On n’est pas chrétien pour s’installer et s’enfermer dans le confort, comme le rappelle souvent le pape François.

Et puis, il y a un texte un peu affolant, alarmant. Gare à vous ! Gare à vous que vous soyez exclus du partage. Les grincements de dents font un peu partie de la perspective : la géhenne, le feu… Le feu, ce n’est pas ce qui peut nous arriver plus tard, un jour, mais c’est cette espèce de feu intérieur de savoir, qu’aujourd’hui, on a « loupé » la sortie.

Tout cela pour nous dire que, avec l’humour et le relâchement des vacances, nous devons quand même nous recentrer et revenir à l’essentiel. Savons-nous préférer le Christ, l’amour de Dieu notre père, aux réalités qui passent ? Si la parole de Dieu est le vrai trésor de nos vies comment savons-nous préserver ce trésor, lui laisser donner sens à notre vie ? Si cette parole est la lumière de nos pas, la lampe de notre route, comment laissons-nous cette parole éclairer notre vie, éclairer nos choix ? La foi chrétienne, l’engagement à la suite du Christ n’est pas simplement un de nos engagements parmi d’autres, et à l’égal des autres. Notre relation à Dieu est de l’ordre de l’absolu, à la racine de notre être, au fondement de notre vie. La foi et la sagesse chrétienne ne sont pas seulement des références pour cette vie terrestre, mais ce sont aussi et surtout une ouverture, une porte pour la vie éternelle, présente dès maintenant.

Alors le Seigneur répond à Salomon et nous répond : « C’est merveilleux ! Écoute ! Tu ne m’as pas demandé de te donner une vie longue, parce que ce n’est pas l’essentiel. Tu ne m’as pas demandé la richesse, tu ne m’as demandé la victoire sur tes ennemis, mais tu m’as demandé le discernement. Eh bien, je te le donne dans l’intelligence et la sagesse.

C’est cela que nous allons demander maintenant personnellement au Seigneur, durant un petit temps de silence. Ensuite nous dirons notre foi pour ce Dieu qui nous aime, qui nous a fait pour ce bonheur, à vivre à travers toutes les vicissitudes de la vie actuelle, ces horreurs qu’on nous présente tous les jours, ces gens qui meurent en Méditerranée, ces gens qui passent, encore hier ou avant-hier, près de Calais, enfermés dans un camion, et qui ne respiraient plus, dont des enfants. Ça c’est le monde d’aujourd’hui ! Alors il faut faire des choix qui soient solides !

Silence… (sur fond musical)

« Seigneur,
Fais croître en nous l’espérance du Royaume,
Aide nous à croire qu’il est déjà là, même si nous n’arriverons pas à le saisir totalement,
Donne-nous de voir qu’il avance, malgré tout ce qui se passe dans le monde, qui semble si souvent le contredire,
Apprend-nous à le trouver au cœur de nos vies, parfois bouleversées,
Rend nous capables d’apprécier tout ce qu’il y a de beau et de bon ici-bas,
Laisse nous déjà entrevoir ce bonheur que tu promets,
Donne nous de comprendre que nous sommes tous responsables de la venue de ton règne et de sa croissance…

Amen ! »