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L’abbé Jean-Pierre Boutoille

L’abbé Boutoille est né à Tunis le 7 novembre 1942. Il a été ordonné prêtre le 27 juin 1971 à Arras et nommé curé à Harnes. Il sera doyen de Calais, vicaire épiscopal de l’évêché, il est également porte-parole du collectif de soutien d’urgence aux réfugiés C’SUR et nommé prêtre à Saint-Martin-les-Boulogne en septembre 2004.

En plus de cette dernière qui deviendra la paroisse nouvelle « Saint-Martin-en-Boulonnais » avec le rattachement de Pernes, Pittefaux, Conteville, La Capelle et Baincthun, puis en 2008 des églises de Wimille et Wimereux, l’abbé Boutoille a pris également par la suite en charge la paroisse nouvelle « Saint-Paul-en-Boulonnais » qui regroupe les clochers de Saint-Patrick, Saint-Jean-Baptiste et Sainte-Bernadette.

Bien que curé de Wimereux, il ne logeait pas au presbytère, mais continuait d’habiter à Saint-Martin.

Bien qu’ayant dépassé l’âge canonique des 75 ans, à la demande de l’évêque, il avait accepté, faute d’une quantité suffisante de prêtre sortant des séminaires, de poursuivre sa charge curiale de Saint-Jean du Wimereux. Mais début 2019, il a du interrompre son service, tout en devenant prêtre aîné du doyenné, restant à la disposition du doyen pour assurer occasionnellement les messes dans les églises sans prêtre.

Il avait donc sous sa responsabilité d’autres clochers. Pour chaque clocher, la charge de gestion a été confiée par Mgr Jaeger aux laïcs qui forment les Equipes d’Animation Pastorale (EAP) de chacune de ces paroisses. Ils sont accompagnés par un prêtre modérateur, le Père Hugues Derycke, originaire de Calais ; il a souvent séjourné à Wissant et apprécie notre région. Il est directeur d’étude à l’ESSEC, prêtre de la Mission de France, ancien vice-recteur de l’Institut catholique de Toulouse et professeur à la Faculté de théologie.. 

Une messe d’action de grâce a été célébrée pour le départ du Père Boutoille le dimanche 20 janvier. Il a été nommé membre d’honneur de l’AEICW ; pour cette occasion lui a été remis une maquette réalisée en impression 3D par Antoine Mai, un jeune auto-entrepreneur, ancien réfugié ayant réalisé un formidable accomplissement professionnel.

Le Père Hugues Derycke a été accueilli à Wimereux par les paroissiens les 2 et 3 février dernier. Il assurera l’intérim jusqu’en septembre. Durant son homélie, il a souligné « que nous vivons dans un monde qui change et que le fonctionnement de notre église change aussi, et que nous, paroissiens, devons changer nos habitudes. (…) La transmission se doit être le soucis de chacun ! » C’est ce que nous, AEICW, essayons d’accomplir le mieux possible.

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Boutoille au chapitre 9 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Flash-back sur une vie de foi et d’actions
contre la misère et l’injustice : 

-1- DÈS L'ENFANCE : FORMÉ AU DON DE SOI ET INTERPELLÉ PAR LA SOUFFRANCE DES JEUNES

« Bien logiquement, je suis lié à l’histoire de mes parents. Avec un père gendarme on apprend à voyager. De ma naissance en Tunisie, en passant par Baden-Baden en Allemagne où mon père fut affecté dans les forces françaises d’occupation (TOA), puis Versailles, et Metz avant le sud du Pas-de-Calais. Le cheminement, qui a motivé mon intention de devenir prêtre, passe par deux étapes importantes. La première a lieu à Bapaume. Dans ma commune d’adolescence, des religieuses avaient en charge un orphelinat. Très proche de cette communauté, j’y ai appris la signification des mots générosité et don de soi. Ces enfants de deux à dix-huit ans étaient marqués d’une pauvreté intérieure. Je le ressentais particulièrement. J’étais à peine majeur, certains de ces « sans familles » me considéraient tout naturellement comme leur grand frère. La seconde chose est un livre : « Les Enfants de Naples », le témoignage d’un Père salésien, Don Mario Borelli, de la congrégation de Don Bosco qui m’a marqué. A Naples, il avait été marqué par les enfants des taudits de Naples et avait créé un dispensaire accueillant des innocents des rues livrés à eux-mêmes. Dans notre Europe des années soixante, c’était vraiment nouveau qu’un prêtre se consacre à améliorer le destin de garçons mineurs. Troisième élément décisif : à la fin de mon séminaire, je n’ai souhaité ne pas être tout de suite ordonné, ni diacre, ni prêtre, pour pouvoir mieux me consacrer pendant un an à aider les jeunes des mines dans le cadre de la JOC. Jeune homme, j’ai été interpellé par cette destinée. Mon père n’était pas un convaincu de l’Eglise, bien qu’il ne manifesta pas d’hostilité à son égard. En revanche, ma mère était catéchiste. Elle s’investissait auprès des plus fragiles, toujours disposée à l’écoute. Son tempérament communicatif l’aidait dans sa démarche auprès des autres. Elle avait été marquée par le décès de mon frère une semaine après ma naissance. Mes parents me sont encore aujourd’hui d’un grand soutien… »

-2- APRÈS 30 ANS DE MINISTÈRE A LENS, RENCONTRE AVEC LES MIGRANTS DE CALAIS

« Après une trentaine d’années dans le bassin minier de Lens, mon parcours est indissociable de celui des migrants. L’histoire est parfois étonnante. Je suis donc passé du bassin minier à la Côte d’Opale. Nous sommes arrivés à Calais à la même époque que les migrants. J’étais nommé curé de la paroisse Saint-Pierre Saint-Paul, et vicaire épiscopal. Dès l’automne 1997, les Tziganes de Roumanie, sur le chemin de l’exil, ont été rapidement suivis par des centaines d’hommes et de femmes fuyant la guerre du Kosovo. Leurs pays était ravagé. Sans logis, ces familles clandestines traînaient dans les rues, dormaient dans les jardins publics. Leur espoir reposait sur le passage en Angleterre, afin d’y rejoindre leur famille. Des associations caritatives comme le Secours Catholique, le CCFD, et des bénévoles de mouvements laïcs se sont mobiliés pour leur apporter une aide. On ne pouvait pas les ignorer. Nous étions atterrés devant cette détresse humaine, là, sous nos fenêtres. Une année entière, pendant laquelle les autorités sont restées indifférentes à ce drame. »

-3- 15 AOÛT 1998 : CRI DE COLÈRE FACE A L'INDIFFÉRENCE DEVANT LA SOUFFRANCE DES ENFANTS RÉFUGIÉS

« Le quotidien de ces familles kosovares était tragique. Pour les jeunes enfants, cette situation était encore plus difficile à supporter. Impossible à oublier le visage de cette petite fille de trois ans à peine. Généralement à cet âge, la frimousse est plutôt coquine. La sienne était tellement vieillie. Elle déambulait dans le parc Saint-Pierre avec une totale absence de sourire. Il lui manquait cette illumination propre aux enfants. Comment peut-on avoir du goût à la vie lorsque des cartons servent d’abris de fortune, lorsque les bancs de la cité deviennent des espaces de jeux ou des quartiers généraux ? Il nous falait agir. La fête de la mer, célébrée le 15 août à Calais, était la date propice pour plaider en leur faveur. Chaque année, le monde maritime ainsi que les personnalités locales se retrouvent en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul à l’occasion d’une cérémonie. En cet été 1998, devant tant d’indifférence face à cette tragédie humanitaire, mon homélie a été plus virulante que d’ordinaire. Je n’acceptais pas cette absence de réaction. C’était intolérable de voir tant d’enfants si démunis, dont le seul crime était d’avoir accompagné leurs parents pour fuir la guerre. La presse régionale, représentée par « La Voix du Nord », a largement fait écho à mon « coup de gueule ». Les journalistes de ce quotidien ont par la suite évoqué le triste sort de ces familles en interpellant les autorités politiques. Ce combat pour la dignité humaine est également devenu le leur. Un mouvement est né et le centre de Sangatte est entré dans l’Histoire. »

-4- SANGATTE : UN CAMP AVANT LA TERRE PROMISE

« A huit kilomètres de Calais, Sangatte est ce petit vilage de huit cents âmes, devenu célèbre au-delà de nos frontières jusqu’en Asie et en Afrique. Sur l’un de ses terrains, un simple hangar en tôle qui appartenait à Eurotunel, l’utilisant pour stocker du matériel pendant les travaux de construction du tunne sous la Manche. Le ministère de l’Intérieur l’a réquisitionné le 24 septembre 1999 et sa gestion a incombé à la Croix-Rouge. Le financement étant assuré par le ministère de la Solidarité, des repas chauds étaient servis trois fois par jour, des vêtements disribués et des soins médicaux dispensés aux plus nécessiteux. Aux Kosovars ont succédé des Iraniens, des Afghans, des Irakiens, des Kurdes … Quelques cent vingt nationalités vont se croiser à Sangatte, dans ce centre d’hébergement provisoire, accueillant quotidiennement plus d’un millier de migrants. Des bénévoles affluaient de toute la région avec le soutien moral pour vocation. Ils assuraient également des cours pour apprendre à lire et à écrire, en français et surtout en anglais. Leur objectif premier était de se rendre vers leur « Terre promise », l’Angleterre. Le tunnel sous la Manche était à proximité. Ces réfugiés sont de grands marcheurs… Quinze minutes à pied ne les usent pas ! »

-5- LA PORTE DU PARADIS

« Ce tunnel est un moyen facile pour rejoindre la Grande-Bretagne. Un pays fortement attractif pour tous ces hommes et femmes, la carte d’identité n’y étant pas obligatoire. On peut être clandestin, travailler normalement et demander le droit d’asile, obtenu dans la grande majorité des cas au bout de trois ans. Le téléphone « arabe » a bien fonctionné. Au bout du long voyage, chaque candidat à l’émigration savait qu’il trouverait un accueil organisé dans le Nord de la France. Les exilés devenaient de plus en plus nombreux, et leur expulsion impossible en raison de la situation politique de leurs pays. Sangatte est devenu symbole de la porte de leur Paradis. »

-6- LES CLANDESTINS À L'ASSAUT DES CAMIONS

« Le centre de Sangatte était un lieu d’hébergement. Ces demandeurs d’un avenir moins incertain étaient libres de leurs mouvements. Dès la nuit tombée, commençait le même ballet de petits groupes ou d’isolés. La marche le long de la route débutait en direction des parking de poids lourds du Tunnel sous la Manche. Les clandestins s’y faufilaient derrière les bâches ou entre les roues. Rien ne leur faisait peur. Pourtant, cette cache est particulièrement dangereuse, mais ils ont déjà connu pire par le passé. Leur crainte était plutôt d’être découvert par la police et de repartir à la case départ : Sangatte. Le soir même, ils commençaient, car nombreux sont déjà les chanceux arrivés à bon port, à Douvres. Même au péril de leur vie ! Aujourd’hui encore, pour gagner l’Angleterre, les migrants se glissent à l’intérieur des camions ou imaginent des procédés plus audacieux en dessous de la remorque. »

-7- TOUT REPOSE SUR LES BÉNÉVOLES

« A Sangatte, le travail des bénévoles était remarquable pour la prise en charge des réfugiés. Je repense à ces deux infirmières, uniques représentantes du corps médical du centre. De précieuses alliées pour tous ! La présence des médecins était consécutive à une décision administrative. A mon grand regret, ils n’ont pas spontanément offert leur concours. Fort heureusement, la mission humanitaire du centre d’accueil a pu s’ordonner autour des habitants de la région, dans un grand élan de solidarité. Cette ouverture du coeur face à cette détresse humaine m’a beaucoup ému. »

-8- HOSTILITÉ A L'ENCONTRE DES REFUGÉS

« Certes, la générosité n’a pas été une cause commune pour tout le pays calaisien, car une certaine hostilité s’est installée dans la population locale. Les forces de l’ordre n’avaient pourtant pas recensé d’actes de violence ou de délinquance. Tout au plus, quelques incivilités et surtout des problèmes de cohabitation : « Qui sont donc ces étrangers ? Pour quelle raison sont-ils chez nous ? » Pour répondre à ces questions, des réunions ont été proposées à chaque maire de notre région. Ces responsables locaux n’ont même pas saisi cette opportunité, et au contraire, la peur a accompli son travail insidieux. La présence de ces âmes errantes fut progressivement diabolisée, en raison également des autorités politiques, qui n’ont pas été à la hauteur. Les camions de CRS sillonnant la ville à petite vitesse ne sont pas non plus symbole de sérénité, car ils sont associés à la méfiance. Les forces policières sont alors engagées pour protéger les citoyens contre l’ennemi tout désigné : l’étranger. »

-9- DES REFUGIÉS LAISSÉS SANS ABRI DANS L'INDIFFERENCE DES AUTORITÉS

« Les gouvernements successifs se sont désintéressés de ce drame humain. L’Etat s’inquiète uniquement lorsque des groupes d’hommes et de femmes montrent des velléités d’installation sur son territoire. Dans le cas présent, ces réfugiés étaient en transit. L’indifférence était donc de mise. Les associations de Calais font leur boulot caritatif, laissant les autorités politiques dormir allègrement. Je comprends la volonté de ces demandeurs d’asile de gagner l’Angeterre, un pays où l’on trouve indigne de laisser sans abri des étrangers. Ce n’est pas le cas en France, et je l’avoue, j’en suis parfois honteux… »

-10- UNE ÉGLISE POUR ABRITER LES RÉFUGIÉS CHASSÉS DU CAMP DE SANGATTE

« Lorsque le centre de Sangatte a fermé ses portes le mercredi 5 novembre 2002, cela a eu comme conséquences des situations encore plus dramatiques. Le lendemain, en pleine nuit, une quizaine d’exilés est arrivée à Calais. La pluie était violente. Il n’y avait plus d’endroit pour s’abriter, ni trouver un peu de repos, et encore moins se nourir. Le destin les a placés sur le même chemin qu’un jeune membre du collectif. Vers une heure du matin, la sonnette de mon domicile m’a réveillé. J’ai paré à l’urgence de la situation pour mettre au chaud ces égarés, les rassasier avant qu’ils ne ferment les yeux jusqu’au petit matin, où ils sont repartis. La nuit suivante, leur nombre s’est multiplié par quatre. L’information a très rapidement circulé sur le littoral. Les conditions climatiques étaient tellement désastreuses qu’une nuit à l’abri des intempéries devenait la plus précieuse des richesses. Le samedi soir, 127 réfugiés attendaient à leur tour un hébergement temporaire. Avec l’accord de la mairie, l’Eglise Saint-Pierre-Saint-Paul, fermée en raison de travaux, a été proposée comme asile provisoire. »

-11- LA FIÈVRE MEDIATIQUE SUR LES RÉFUGIÉS DE ST-PIERRE-ST-PAUL

« Que faire, face au sort de ces déracinés ? Tout ce qui compte dans la stratosphère politique du département s’est révélé au grand jour. La fièvre médiatique s’est emparée de la ville. Une vraie forêt de micros, caméras, appareils photo, qui rappelait l’épopée glorieuse des footballeurs calaisiens (au printemps 2000, notre équipe avait atteint la finale de la Coupe de France !). A nouveau, notre région était à la une du « 20 heures ». Cependant l’événement était, cette fois, plus malheureux et indigne. Sur le parvis de l’église, une nuée de journaistes, ceinturée par un cordon de CRS, se bousculait pour arracher quelques mots au jeune porte-parole. Quatre jours et cinq nuits… Quatre jours et cinq nuits de tractations pour résoudre le problème, de dialogues avec les deux interprètes kurdes et farsi. Il était de notre devoir de leur faire comprendre que ce rêve britannique est peu conforme à la réalité. A l’intérieur de l’édifice religieux, 127 hommes atendaient leur heure, sous la menace d’une expulsion de l’église par la force. Les bancs étaients transformés en d’inconfortables lits, les conditions sanitaires devenaient déplorables. Un jeune Afghan n’hésitait pas, dans un anglais approximatif, à hurler son désespoir. Il souhaitait même sa mise à mort par la police. Kaboul et ses proches n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Son pays, il l’avait quitté depuis deux ans… Avec toujours ce même souhait, un avenir de liberté ! »

-12- L'ÉVACUATION DE L'EGLISE POUR DEUX AVENIRS DIFFÉRENTS

« La seule issue possibe était l’évacuation, les règles hygiéniques élémentaires n’étant plus respectées. Mon sommeil a été écourté dans la nuit du dernier ultimatum. A ce moment de l’histoire de ces réfugiés, ma présence à leurs côtés était moralement primordiale. J’ai souffert de rompre le sommeil de tout ce groupe en actionnant la lumière de l’église. L’heure cruelle du départ vers d’autres horizons était arrivée. A l’extérieur de Saint-Pierre-Saint-Paul, deux camps s’opposaient avec une grande dignité. Certains de ces hommes avaient demandé le droit d’asile auprès de la police des frontières. Ils ont pris la route en autocar auprès des centres d’hébergements. Les autres ont refusé cette proposition, par peur ou par volonté de gagner l’Angleterre, vaille que vaille. Leur incarcération étant juridiquement impossible, leur remise en liberté était immédiate, pour reprendre une vie d’errance. »

-13- CRÉATION DU CSUR

« Difficile de désigner ces personnes comme des clandestins, terme à connotation péjorative. Nous préférons le mot « réfugiés ». Ils ont accompli une telle route pour trouver un refuge, celui de la liberté. A Calais, notre conscience nous a guidés sur le chemin du respect de la dignité humaine. L’impératif de la situation ressemble beaucoup à un voyage au bout de l’impasse. Avec plusieurs amis, la décision fut prise de créer le mouvement CSUR, le Comité de Soutien d’Urgence aux Réfugiés, qui regroupe ainsi une quarantaine d’associations. Il fallait faire vite. Les premières températures glaciales nous ont contraints à décupler nos énergies. (…) »

-14- MISE A JOUR DES GRANDS DÉFAUTS DE LA NATURE HUMAINE

« A l’occasion de tels confits, on voit resurgir les grands défauts de la nature humaine. Les membres du collectif ont effectivement été menacés, en raison de notre engagement aux côtés de l’étranger. Les réactions de certaines personnes se disant croyantes m’ont beaucoup peiné. D’autres, au contraire, se sont amplement révélées dans ce combat contre la misère. En s’investissant, ils ont redécouvert l’Evangile. Le devoir premier des gens d’Eglise est d’aller à la rencontre des plus humbles et de cheminer avec eux ».

-15- MÉCONNAISSANCE

« Les opposants les plus farouches à la présence de ces réfugiés ont une totale méconnaissance de la précarité de leur situation. Jamais ils n’ont pris le temps de s’informer, de nous rencontrer ou de proposer des solutions respectables. Encore une fois, nous évoquons le sort d’êtres humains… Ce sont nos frères et nos soeurs, marqués par l’épreuve traumatisante de la migration. Il ne devrait même pas y avoir de débat, tant il est logique de leur apporter notre soutien. »

-16- RESPECT

« Nous avons beaucoup à apprendre de ces migrants. Les irakiens et Iraniens ont une culture, une histoire sans commune mesure avec la nôtre. Tous les membres du collectif s’accordent sur ce point. Nous sommes tellement gagnants à leur écoute. Nous leur devons un immense respect, surtout après les misères endurées pendant leur vie et les conditions épouvantables de leur long voyage vers Calais parsemé de terribles épreuves : la faim, le froid, le racket, la difficulté de communiquer dans une langue étrangère, la peur permanente d’être contrôlé, et surtout des fins tragiques sous leurs yeux. Ils ne savent jamais si au bout de leur longue traversée se trouve la liberté, la police ou la mort. (…) »

-17- DE L'HUMANITÉ FACE À LA LOI INJUSTE

« Comment agir, quand, devant vous, un homme grelotte de froid, son visage marqué par la faim ? On ouvre une porte, on lui propose une soupe et une couverture. Les autres questions matérielles viennent plus tard, l’humanité prime. Au-dessus de la loi des hommes, lorsque celle-ci ne répond pas au respect de l’individu, il existe une loi supérieure, que connaissent les croyants, celle de Dieu. Dans l’un de ses discours, Martin Luther King a eu cette phrase à laquelle je souscris amplement : « Il y a deux catégories de lois. Celles qui sont justes et celles qui sont injustes. » Ce grand pasteur était le premier à prêcher l’obéissance aux lois justes. Mais inversement, il rappelait que chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes et de suivre les préceptes dictés par sa conscience. (…) »

-18- DÉSOBÉISSANCE

« Cette désobéissance civique, nous l’avons baptisée « délit de solidarité ». Elle s’est manifestée par une action concrète et d’une grande dignité. Pour les sortir de la rue, des Calaisiens ont accepté d’héberger des étrangers en transit. Ils se sont mobilisés autour de valeurs humanistes : la porte ouverte, le partage, la réciprocité de la confiance. Ce sont majoritairement des petites gens, qui ont laissé parler leur conscience. L’expérience d’une rencontre fraternelle a été l’élément déclencheur de cet élan du coeur. (…) »

-19- TOUS AMIS, INCROYANTS ET CROYANTS, À BAS LES PRÉJUGÉS

« Au sein du collectif CSUR, tous, croyants et incroyants, avec une grande différence dans nos engagements civils ou religieux, nous partageons une foi identique en l’Homme. Cette ouverture à l’autre est d’une telle richesse. Des personnes, que tout oppose, se retrouvent dans l’essentiel. Je n’aurais vraisemblablement jamais cheminé avec ce jeune instituteur, Mickaël, rencontré au comité. Moi, prêtre, lui, farouchement anticlérical, et comme beaucoup victime de préjugés et de jugements hâtifs sur la religion : son opinion sur les chrétiens a considérablement évolué. Sa découverte de notre générosité, de notre main tendue, l’a rendu humble. Le curé et le laïc sont devenus amis. Quel étonnant parcours sur cette route commune qui marquera à jamais notre vie ! »

-20- LES CHRÉTIENS NE SONT PAS DE SIMPLES DÉVOTS MAIS DES HOMMES D'ACTION, DANS LE RESPECT DES AUTRES RELIGIONS

« L’anticléricalisme me pèse. L’accomplissement de sa foi ne se limite pas à la prière ou à la fréquentation dominicale de l’église. En raison d’une méconnaissance totale de notre univers de croyants, on se dérobe derrière des discours établis. L’intolérance existe aussi dans les deux sens. On ne peut pas prôner l’ouverture à l’autre en considérant les catholiques avec sarcasme. L’acceptation de son prochain avec ses différences, c’est également accueillir sa croyance. Partager ces convictions avec les réfugiés, essentiellement de confession musulmane, ou avec mes amis du CSUR, permet d’avancer ensemble sur le chemin de l’humanisme. Notre volonté n’est pas de réaliser de grandes choses, mais d’accumuler les petites. A changer notre regard, nous nous sommes enrichis mutuellement grâce à cette expérience humaine d’une rare intensité. »

-21- LA FOI ET LES ACTES : INDISSOCIABLES

« En tant que croyant, l’incohérence est totale si on se limite aux beaux sermons sur le thème de la solidarité, sans un engagement personnel. Il faut joindre ses actes à la parole, comme ce fut le cas pendant ma formation de prêtre. J’avais intégré le mouvement de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC), très populaire dans notre région minière. Ensemble, nous avons entrepris des actions de générosité. La pauvreté était palpable. Malgré tout, la population restait enthousiaste, chaleureuse, parfois auteur de gestes extra-ordinaires. En dépit de sa disparition aujourd’hui, la mine imprègne notre culture et toutes les générations. La dureté de la vie nous a forgé une éducation solidaire. Indéniablement, la réussite du mouvement autour des réfugiés à Calais trouve l’une de ses origines dans notre histoire collective. Une large majorité des membres du collectif est issue de notre accueillante région. »

-22- FIERTÉ D'APPARTENIR A L'ÉGLISE EN ACTES SANS ÉTAT D'ÂME

« La cause humanitaire est nécessaire et noble. Des amis religieux soutiennent également notre action. Devant notre engagement auprès de ces étrangers, certains chrétiens m’ont avoué leur fierté d’appartenir à l’Eglise. Où que l’on soit, il y a des combats pour l’homme à mener : contre l’isolement des personnes âgées, pour l’aide aux malades, dans l’accompagnement des personnes handicapées… Il faut éviter de se poser des questions « Est-ce que je dois ? Ou est-ce que je ne dois pas ? » Le négatif l’emportera, inévitablement, car les lâchetés existent (…)

-23- COUPABLES D'HUMANITÉ ! MAIS OÙ EST PASSÉE LA FRATERNITÉ

« Les membres du collectif ont été accusés d’avoir hébergé ces pauvres gens, qui passaient la nuit dans le froid. La solidarité n’est pas un délit. Nous avons simplement rempli notre devoir d’hommes-citoyens en appliquant la loi d’assistance à personne en danger. Dans la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité, le troisième terme n’est pas respecté ! Et il est anormal que les gouvernements respectifs se déchargent totalement de l’aspect humanitaire sur les militants associatifs (…) »

-24- LE BON SAMARITAIN

« Le rappel de la parabole du Bon Samaritain n’est pas inutile. Cet homme s’arrête auprès de ce blessé rencontré sur la route, le soigne, le réconforte, le prend en charge et le confie à qui peut l’aider. Il ne pose aucune question, ni à lui-même, ni à cet étranger (…). Chaque acte de solidarité nous fait grandir dans notre conscience humaine. Chacun y gagne à sa juste mesure, en donnant de son temps, en apportant un don, en offant une soupe, des vêtements ou son toit pour une nuit. Apporter de la chaleur humaine. Etre un passeur de fraternité… »

-25 - CURE DE SAINT-JEAN DU WIMEREUX, SAINT-PAUL EN BOULONNAIS, ET SAINT-MARTIN EN BOULONNAIS

Le Père Boutoille est resté sur la Côte d’Opale où il a retrouvé d’anciens confrères des mines et de la JOC nommés aussi sur la côte (comme le Père Joseph HUMEZ) : depuis 2008 il est curé de la Paroisse Nouvelle Saint-Jean du Wimereux (Eglises Wimereux (Immaculées Conception et Christ-Ressuscité) et Wimille (Saint-Pierre)), puis de Saint-Paul en Boulonnais (églises Saint-Patrick, Saint-Jean-Baptiste et Sainte-Bernadette à Boulogne) tout en restant curé, depuis septembre 2014, de Saint-Martin en Boulonnais (églises Saint-Martin à Saint-Martin-Boulogne, Sainte-Ide à Ostroove, et aussi les clochers de Baincthun, La Capelle les Boulogne, Conteville les Boulogne , Echinghem, Pernes les Boulogne, Pittefaux), et s’est occupé de l’aumonerie des lycéens. Il a fêté ses 75 ans le 27 juin 2017 et a atteint l’âge canonique de la retraite, mais, comme il l’a expliqué lors de la messe de la fête inter-paroisse du 1er juillet 2018, a accepté, pour la rentrée, malgré quelques problèmes de santé, de rester en fonction pour la paroisse Saint-Jean du Wimereux, sachant qu’il n’y aurait plus de 3 prêtres (dont lui) en fonction sur toute la côte du Boulonnais.

L’abbé Roger Telle

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Telle au chapitre 9 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Après le départ de l’Abbé Jan Pelc, c’est l’abbé Roger Telle, anciennement curé de Marquion, qui est nommé curé de la paroisse nouvelle, avec résidence au presbytère de Wimereux.

Cette nomination est durement ressentie par les paroissiens de Marquion qui restent sans curé pour une période indéterminée. L’installation de l’abbé Telle se fait en 2 temps : une première messe le samedi 31 août 2002 en l’église Saint-Pierre de Wimille, et le lendemain à l’église de l’Immaculée-Conception de Wimereux.

Le style de l’abbé Telle, prêtre d’une grande humilité et d’une grande spiritualité, tranche avec celui de son prédécesseur. A son arrivée, le travail accompli par l’abbé Jan se poursuit. Les équipes en place sont rejointes par d’autres, comme le groupe Alpha. C’est en 2008 que l’abbé Telle quitte Wimereux.

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L’Abbé Jan Pélc

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Pelc au chapitre 9 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

C’est à un prêtre d’origine étrangère, l’abbé Jan Pelc, que Monseigneur Jean-Paul Jaeger, Évêque du diocèse, confie la paroisse en 1999. Né en Pologne, il est accueilli dans un premier temps à Paris par la commission franco-polonaise, il y poursuit ses études lui permettant d’obtenir une maîtrise et un doctorat. Après 4 années passées dans la capitale, il est nommé curé à Coulogne. Monseigneur Derouet, encore en fonction à ce moment-là et qui est membre de la commission, n’est pas étranger à cette nomination.

Chaleureusement accueilli par les paroissiens, il y passe 5 années puis quitte le Calaisis pour le Boulonnais.

C’est le dimanche 10 octobre 1999, que le nouveau curé est officiellement installé par le doyen de Boulogne. Dès son arrivée, l‘abbé bouleverse la paroisse par son dynamisme et réalise un travail considérable. Il impulse nombre de groupes, de mouvements, d’équipes comme celle des « Gardiens de l’église » qui permet d’ouvrir le lieu de culte dans la semaine, ou celle des jeunes qui animent régulièrement les messes dominicales. Il implique toujours plus de laïcs dans les actions spectaculaires comme dans les tâches les plus humbles.

Sa modernité parfois déconcertante, son charisme, attire les foules aux messes dominicales, certains paroissiens venant même des communes avoisinantes. La dernière année avant son départ, des personnes ont même dû assister à l’extérieur, sur le parvis, à la messe du jour de Pâques, faute d’avoir pu trouver une place dans le lieu de culte. Du jamais vu.

A peine trois années après son arrivée, la nouvelle est tombée, jetant la consternation dans la paroisse. L’abbé Jan quitte Wimereux et la France, sa hiérarchie polonaise ayant souhaité l’envoyer en mission à Bruxelles. Le samedi 27 juillet 2002, le jardin du presbytère est sympathiquement envahi par les très nombreux paroissiens désireux de dire un chaleureux « au revoir et merci » à leur curé. Il est actuellement curé-doyen de la paroisse Saint-Rémy-Ittres à Bruxelles.

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Abbé Josepth Domé

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Domé au chapitre 8 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Ordonné en 1947, nommé professeur de philosophie au collège Saint-Joseph d’Arras en 1948, puis au centre Baudimont d’Arras en 1966, il devient ensuite supérieur du lycée privé Saint-Paul de Lens en 1970. Il désirait quitter l’enseignement pour entrer dans le ministère, tout comme l’avait fait en son temps l’abbé Gustave Brassart et souhaitait aussi, et surtout, se rapprocher de son frère Pierre, curé de Marquise.

C’est en septembre 1981 qu’il arrive à Wimereux. Parmi les préoccupations du Père Domé, il y a celle d’entretenir le lieu de culte et d’assurer le confort des paroissiens. Aussi, il entreprend tout au long de son ministère divers travaux et aménagements dans l’église. C’est ainsi qu’en 1982, grâce à une souscription, il fait repeindre l’intérieur du lieu de culte. Il remplace également les chaises par des bancs. Autre changement quelques années plus tard : l’installation d’un nouveau chauffage par radiants au gaz.

Atteint par la limite d’âge en 1999, le Père Domé remet sa démission à l’Évêque. Il prend le titre de « prêtre aîné associé » et continuera d’épauler son successeur en célébrant en particulier les messes à Wimille, où il logera désormais dans le presbytère.

Le dimanche 3 octobre, c’est dans une église pleine qu’il célèbre une dernière fois l’eucharistie en tant que pasteur. Après avoir passé 33 ans dans l’enseignement, Wimereux est donc sa première et dernière paroisse.

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Le Révérend Père Henry Delpierre

« Les pieds sur terre ; la tête dans le Ciel »

Sources : Guy Bataille (Articles de La Voix du Nord et un article du Journal de la Ville de Wimereux, « Les Nouvelles de Wimereux », n°3 : « Les trente années du ministère wimereusien du Père Henry Delpierre ») – Nicole Hémard (entretien réalisé le 12 décembre 2017) – Dr Jacques Bresson (entretien du 22 février 2018)

-1- Depuis son enfance vers le jeune moine

Originaire de Boulogne-sur-Mer, Henry Eugène Jean-Marie DELPIERRE est né le 11 mai 1909, dans une riche famille d’armateurs catholiques. Son nom trahit son origine. Il se plaisait à répéter qu’Il était descendant de corsaires de la Grande Armada. Son père : Jean-Baptiste Louis DELPIERRE ; sa mère : Marie HAUTIN (cf photo ci-contre avec son frère Jean). (Nous avons retrouvé un poème émouvant du jeune homme Henry Delpierre (19 ans) dédié à la mémoire de son père décédé, pour la Saint-Jean Baptiste le 14 juin 1928 : cliquer ICI pour le retrouver).  Il suit un enseignement religieux à l’institution Haffreingue de BOULOGNE-SUR-MER.  Dès cette époque il a déjà la ferme intention de devenir prêtre.  Une anecdote à ce sujet : durant enfance, il lui arrive fréquemment d’aller avec ses parents aux prédications de l’abbé Cocart à Saint-Pierre, et une fois rentré chez lui, il se prend souvent à mimer le prêtre dans son sermon, tout en agitant les bras devant l’armoire à glace avec la robe de chambre de sa mère. Voulant absolument dès cet âge être prêtre de paroisse, il deviendra cependant, dans un premier temps, moine ! Pourquoi ? Il faut savoir qu’il y avait une antipathie entre le milieu de la marine à Boulogne, et le milieu de la riche bourgeoisie « de robe » de la Haute-Ville (milieu des avocats). Cette antipathie, Henry Delpierre en souffre déjà à l’institution Haffreingue. Les portes des séminaires de cette ville étaient plutôt ouvertes au milieu structuré de l’aristocratie boulonnaise, et non pas pour les gens issus de la marine de cette ville ! De plus un de ses cousins est jésuite, et un autre franciscain. Son père fait de fréquentes retraites à Wisques, et lui étant de nature contemplatif et artiste dans l’âme, il se tourne donc vers le milieu des bénédictins.

Il effectue donc des études d’art à Saint-Luc, près de TOURNAI (Belgique) et est diplômé de théologie et philosophie de l’art à l’université dominicaine du Saulchoir, à KAIN.

Le 25 mars 1929, à 20 ans, il entre à l’abbaye bénédictine Saint-Paul à WISQUES où il est ordonné prêtre. Il fait sa profession de foi religieuse en 1932, et reçoit, le 18 juillet 1937, de S.E. Mgr DUTOIT, évêque d’ARRAS, l’ordination sacerdotale au monastère, en même temps que Mgr WICQUART, évêque de COUTANCES.

-2- La guerre, les camps de prisonniers en Allemagne et les rencontres vont  transformer son destin

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est mobilisé en septembre 1939, en tant qu’aumônier militaire, et infirmier militaire, où il participe à la campagne de 40 sur le Rhin (191e R.A.L.T. (Régiment d’Artillerie Lourde à Tracteurs) 1er groupe EM, S.P. 8721). (Il était « pointeur » de son régiment pendant son service militaire).  Il arrive ainsi sous les obus avec son régiment à BRUYERES dans les Vosges. Là, l’hôpital est en feu. Le capitaine nomme 10 soldats (qu’il sacrifiait en quelques sorte au péril de leur vie) pour sauver les malades de cet hôpital en flamme sous le feu des obus. Mission quasiment impossible ! Voyant un de ces soldats, père de famille, suppliant son capitaine de ne pas l’y envoyer, le Père Delpierre se désigne pour prendre sa place. Et le Père accomplit sa mission, au pris d’un éclat de baïonnette dans la fesse, et un éclat d’obus dans le genou, mais il revient vivant, en sauvant plusieurs personnes. Il reçoit pour cela la Croix de Guerre en juin 40 à BRUYÈRE. Il reçut par la suite la Croix du Mérite National.

Ensuite il est fait prisonnier à RAMBERVILLERS le 23 juin 40 et transféré le 25 juin 1940 au camp de REDING, Baraque 13, puis au camp de transit de SARRALBE, et enfin il est incarcéré à la prison de SARREBRUCK (Cellule 32 – Prison des Roses). Son franc-parler, notamment lors d’une prédication au cours d’une messe, où il fustige les gardes qui ont tiré sur des prisonniers pris dans les barbelés alors qu’ils avaient tenté de s’évader, lui valu 4 mois de cellules. Le 22 septembre 1940 il intègre le camp de TRIER-PETRISBERG, Stalag XII-D, à TRÊVES (Kriegsgefangenschaft im Stalag XII D), aux côtés de Jean-Paul SARTRE, Pierre SIMON, le Prince Philippe de MERODE, l’abbé ETCHEGOYEN… (cf le tableau ci-dessous représentant la photo d’une peinture de Georges ROHNER sur la porte de l’armoire de la sacristie de la chapelle du Stalag XII-D, représentant le Christ avec les prisonniers, et avec au dos des notes du Père Delpierre au sujet de ses voisins de planches…)

 

« Jean-Paul Sartre, disait le Père Delpierre, était un homme de grande ouverture d’esprit et acceptait volontiers de dialoguer avec les prêtres. Des professeurs d’université organisaient dans ce camp des conférences. J’ai souvenir, disait-il, d’un cours extraordinaire de JP Sartre sur Heidegger, dont il était un spécialiste, ainsi que sur Rilke ». Les prêtres préparaient la veillée de Noël 1940 : « elle devait être la lumière dans la nuit des camps ! » Avant la messe de minuit il avait été décidé de présenter un prologue sur le thème de l’Incarnation. Ils décidèrent, avec un ami jésuite, de demander à Jean-Paul Sartre de le composer. Il accepta pour eux et pour les prisonniers, tout en se défendant de renoncer à son incroyance. Ce prologue prit le nom de BARIONA OU LE FILS DU TONNERRE. C’est sur un bout de table que Sartre rédigea cette pièce. Il dira plus tard dans une lettre datée du 31 octobre 1962 : « Si j’ai pris mon sujet dans la mythologie du christianisme, cela ne signifie pas que la direction de ma pensée ait changé, fût-ce un moment, pendant la captivité, il s’agissait simplement, d’accord avec les prêtres prisonniers, de trouver un sujet qui pût réaliser, ce soir de Noël, l’union la plus large des chrétiens et des incroyants ».

Jean-Paul Sartre décrivait la Vierge, tout en faisant parler BARIONA, un montreur d’images aveugle. Bariona est un chef de village qui, au temps de la naissance de Jésus, désespère devant les exigences de l’occupant romain, et veut la mort de sa communauté. Arrive l’annonce de la naissance d’un Sauveur. Il y voit une tromperie. Méditant de tuer l’enfant, il vient à Bethléem, et le regard de Joseph le retourne. Apprenant l’intention d’Hérode, il facilite la fuite en Egypte, et affronte les gardes du roi, rendant l’espoir possible. C’est le premier essai théâtral de Sartre, et il figure dans l’édition de la Pléiade. Sartre disait : « Ce drame qui n’était biblique qu’en apparence était écrit et monté par un prisonnier, joué par des prisonniers (60) dans des décors peints par des prisonniers ; à tel point que je n’ai jamais permis depuis qu’il soit joué ou même imprimé. » Sartre y incarna le personnage du Roi-Mage Balthazar. La foule des prisonniers spectateurs, rassemblés dans une immense baraque, resta émerveillée, en cette nuit de Noël 1940. Le Père Delpierre disait : « le coeur de Jean-Paul Sartre était certainement plus proche de Dieu que son intellect. » « La Vierge ne saurait l’oublier », rajoutait- il. Sartre sera libéré du camp grâce à un faux certificat médical, en mars 1941.

Il reçu dans sa baraque, la visite du Révérend-Père Don Maurus MUNCH, allemand bénédictin de l’Abbaye St-Maur, qui avait été déporté à Dachau en 1941 après qu’on eut découvert sur un prisonnier une lettre qu’il avait adressée à Don Henry Delpierre, dans laquelle il s’adressait à lui en l’appelant « Carissime Frater ». La Gestapo avait trouvé qu’il était infamant pour un allemand d’écrire à un français en l’appelant « Très cher frère » ! (Après la guerre, le Père Delpierre accomplit la démarche en hommage à ce dernier de demander, avec l’apui de Maurice Coupe de Murville,  ministre des affaires étrangères à l’époque, de lui décerner la Légion d’Honneur. Et en 1956, l’Ambassadeur de France à Bonn, François Sedoux, est venu décorer le Père Maurus Münch au Monastère Saint Matthias.)

Ses amis prêtres en détention se retrouvent souvent ensemble dans une baraque pour jouer au cartes. Lui n’aime pas cela, ayant fait le vœu de ne jamais toucher une carte. Alors, en tant qu’infirmier, il fait la tournée des baraques pour visiter et prendre soin de ses 15000 compagnons de détention, et il lui est souvent demandé un service : écrire des lettres. Devenu « écrivain publique » : il passe son temps à écrire des lettres d’amour, sous la dictée des soldats prisonniers, qui veulent rassurer leurs promises. C’est peut-être le seul prêtre à avoir écrit autant de lettres d’amour ! A nouveau, il retrouve là son plein épanouissement, allant vers son prochain pour rendre service, et aider, tel un pasteur au milieu de ses brebis.

-3- Un évadé en cavale

Du Stalag XII-D, de TRIER-PETRISBERG, il s’en évade le 15 octobre 1941 avec le Prince Philippe DE MERODE et l’abbé ETCHEGOYEN. Traqué par les Allemands, commence alors pour lui une longue route de clandestinité. Il se réfugiera dans la ferme de la famille Bart dans les Ardennes, à Saint-Germainmont. Frère Alexis (Didier Noël), de la Communauté Saint Benoît-Joseph Labre, originaire de Wimereux, nous a envoyé cette photo de l’époque du Révérend-Père Delpierre entouré de cette famille.

« Cette photo est prise à Pâques 1940 : elle représente le R.P. DELPIERRE avant que celui-ci ne soit prisonnier et avec la famille qui le cachera après son évasion, car le père Henry les connaissait déjà, puisqu’il avait été cantonné dans leur village avant d’être incarcéré. A gauche, Gaston Bart, et à droite son épouse, Marthe. J’ai retrouvé la petite fille de la photo, j’ai été reçu chez elle en Lorraine, et je vous assure qu’elle garde de lui un « souvenir inoubliable…  » Cette dame (la petite fille de droite sur la photo) s’appelle Ginette Brochet. Une lettre reçue ces derniers jours de la ville d’ Hettange-Grande, m’annonce le décès de son mari (Rémi Brochet), je le confie à votre prière, paroissiens de Wimereux. Notre Révérend Père Henry Delpierre nous a donné une partie de lui-même. Il demeure avec nous ; finalement, il est une partie de nous pour l’éternité. Si je porte plus loin mon regard, je me rends compte qu’Il vit dans mon cœur comme le berger de mon expérience spirituelle et de ma vocation Labriennes. Il reste le Père spirituel qui accompagne chacun de mes jours. Il me suffit de tenir le chapelet qu’il m’offrit un jour pour ressentir et entendre à nouveau sa voix chaude, grave, expressive et vivante. J’ai vécu au rythme de sa bonté, de son écoute, au milieu des rigueurs de ma vie. Je parlerai et témoignerai de Ta bonté, Père!! Le restant de ma vie… repose en paix. Souvent sur sa tombe à Wisques, je dépose des fleurs en votre nom à tous, paroissiens de Wimereux ». Frere Alexis – février 2018

 

Voici deux lettres de Ginette Brochet des 11 et 28 février 2013 au Frère Alexis qui nous les a transmises avec autorisation de celle-ci de les diffuser dans la biographie du RP Delpierre.

le RP Delpierre se cachera ensuite quelques temps à l’Abbaye de SOLESMES (où il est hébergé, amaigri, dans une pauvre cellule, au grenier, avec comme seule ouverture vers le ciel qu’une lucarne haut située, l’obligeant à monter sur une chaise elle-même placée sur la table pour voir le ciel). Il se fabriqua à Solesmes une fausse carte d’identité, prenant le nom de Benoît JOSEPH. Puis il se rend à l’abbaye de WISQUES, en octobre 1941, hébergé dans la cave, au grand secret du Père-Abbé, qui le reconnu le lendemain en entendant sa voix alors qu’il entonnait un chant lors d’un office. Mais l’abbaye était devenue le siège de l’organisation Todt (organisation de génie civil et militaire nazi). Puisqu’il est recherché, il doit alors quitter le monastère.

Abbaye de Solesmes dans la Sarthe

Comme il était infirmier en même temps, il est donc évacué secrètement de l’abbaye pour être nommé aumônier à l’hôpital de Boulogne. Mais il était lui-même très affaibli, épuisé, après toutes ses pérégrinations depuis son évasion de prison. Plus malade que certains malades de l’hôpital, son état ne lui permettait pas d’exercer cette fonction d’aumônier hospitalier dans une ville prise sous le feu des bombardements. L’évêque écrivit une lettre demandant au Père-Abbé de Wisques de lui accorder, comme aux autres moines revenus secrètement d’évasion, de pouvoir avoir une fonction dans les paroisses aux alentours de l’abbaye.

Le 15 octobre 1941, le Père-Abbé de Wisques avec l’accord de l’évêque, voyant son zèle quasi hyperactif pour prendre soin de son prochain, le nomme finalement curé (son vœu d’enfant !), et il prend en charge des paroisses proches de WISQUES : QUELMES, LEULINGHEM, et ZUDAUSQUES-CORMETTE. Il arrive à Zudausques avec comme seuls biens une bicyclette, un rôti de porc et une salade… Et sa fausse carte d’identité au nom de Benoît JOSEPH. Il a acquis ensuite une Norton 5 CV. Un jour qu’il faisait le plein d’essence de sa moto, il oublie à la station son porte feuille. Celui-ci tombe entre les mains des allemands avec ses deux pièces d’identité, la fausse, et la vraie avec le nom de Dom Henry Delpierre (et la même photo pour les deux !). Le lendemain la police allemande vient au presbytère pour le convoquer à la Kommandantur. Il risquait d’être envoyé en camp de concentration pour une affaire si grave ! Il se rendit le lendemain à la Kommandantur, prêt à affronter son destin. Dans le luxe des dorures et le moelleux des moquettes, il fut reçu par le Général commandant la place de Saint-Omer. Celui-ci lui dit avec un très bon français : « Mon Réverend-Père, comment pouvez-vous expliquer celà ? » Le Père Delpierre sans se démonter lui expliqua son évasion et « son obligation d’agir ainsi, face aux envahisseurs, pour survivre dans mon propre pays et servir ses valeurs ». Le Général en question lui répondit : « Vous êtes bien conscient de ce que vous risquez, et je ne vois pas comment je pourrais détricoter cette situation fort embarrassante ! ». Il le laissa ressortir pour le re-convoquer quelques jours après. Prèt à recevoir le verdict de son transfert vers les camps de concentration, il se rendit au rendez-vous, et l’allemand lui dit : « Mon Révérend-Père, j’ai réussi à résoudre votre problème : voila la carte d’identité … » et la jetant dans le feu de la cheminée de son bureau, il continua : « nous sommes bien d’accord, elle n’existe pas, elle n’a jamais existé… Nous allons brûler le CORPUS DELICTI ! » Encore une fois, la providence sauva Henry Delpierre !

-4- Un moine bâtisseur et artiste en exclaustration, fidèle à ses amis de détention

A Zudausques, il s’attache donc à reconstruire et moderniser l’espace liturgique des églises sur les conseils des pères de WISQUES où, au travers de l’association « LA NEF » (cf paragraphe sur la NEF dans l’article sur Henry Lholetelier en cliquant ICI), un courant artistique de création d’œuvres religieuses était né sous l’influence de DOM BELLOT, architecte bénédictin surnommé « le poète de la brique » et qui avait établi son atelier à l’abbaye en 1928.

L’abbaye de Wisques : cette jeune abbaye, sur l’impulsion du père abbé Savaton, a su attirer des talents qui ont façonné artistiquement ce lieu étonnant et les églises alentour. Dans les années 30, Dom Paul Bellot, moine architecte, réalise le nouveau bâtiment jouxtant le « grand château » d’origine et comprenant le réfectoire, deux étages de cellules et la magnifique galerie du cloître (photo ci-dessus). En 1946, sont créés les Ateliers Monastiques d’Art qui rassemblent un groupe de moines artistes : le père Bouton (1914 – 1980) dessinateur céramiste, le père Goossens (1910 – 1976) architecte, le père Rousse (1932 – 1978) poète, le père Houssain (-) dessinateur de vêtements liturgiques et le père Cholewka (né en 1922) maître verrier ainsi que le frère François Mes (1892 – 1983) peintre.

Grâce à ce mouvement artistique de l’abbaye de WISQUES, le R.P. DELPIERRE fit ériger des chapelles dans ces paroisses en remerciement à la Vierge pour avoir protégé les paroissiens durant la guerre, de même que quelques aménagement des espaces liturgiques de leurs églises ; on citera : la Chapelle Notre-Dame de la Garde à LEULINGHEM, la Chapelle du même nom à QUELMES, les fresques dans la nef et différents travaux dans l’église Saint-Maurice à LEULINGHEM, fresques dans le chœur de l’église de QUELMES. On notera aussi la création d’un baptistère dans la nef l’église de ZUDAUSQUES, ainsi que celle de deux statues (Saint Nicolas et Sainte Catherine) pour cette même église.

Ci-dessus :

d’abord : la chapelle Notre-Dame de la Garde à Leulinghen, érigée à la demande du R.P. Delpierre : rénovée en 2011, cette chapelle est représentative de la création artistique du monastère de Wisques associant l’architecture en brique caractéristique de Joseph Philippe (élève de Dom Bellot) associée à l’art du dessin en céramique de Dom Bouton.

ensuite : la chapelle Notre-Dame de la Garde de Quelmes, en forme de tour, commandée par le RP Delpierre, est une œuvre de Joseph Philippe et date de 1947. Celui-ci est l’élève de Dom Bellot. Son style est reconnaissable par sa manière de jouer avec les matériaux.

Ci-dessus : Église Saint-Maurice de Leulinghem : sous l’impulsion du R.P. DELPIERRE, les moines artistes de Wisques ont restauré cette église du XIIe dans les années 50. Un mélange de tradition chrétienne et de modernisme que l’on retrouve dans la représentation de la crucifixion réalisée en carreau de céramique 10/10 par Dom Bouton. On y retrouve quatre fresques de François Mes de Jeanne d’Arc et en vis-à-vis le centurion. De chaque côté du passage, la Vierge et saint Joseph accompagnés de l’Enfant Jésus. Le baptistère est également une réalisation des moines de Wisques.

Ci-dessus :

Église Saint-Folquin et son campenard (2 photos), hameau de Cormette : dans cette charmante église, le RP Delpierre commanda, dans le chœur, sur l’arc diaphragme, des fresques représentant les anges adorateurs. Elles ont été peintes par François Mes, moine de l’abbaye de Wisques. (Pour plus d’information : cliquer sur le lien ICI qui vous conduit à un extrait du bulletin ACHA-INFO n°7 rédigé par Michel Debuyser de l’Association Culturelle et Historique d’Ardres)

Ci-dessus :

D’abord : Eglise Saint-Pierre de Quelmes : Le R.P. DELPIERRE y fit réaliser une céramique monumentale en carreaux de 10/10 représentant Saint-Pierre aux liens, oeuvre du père Dom Bouton dans les années 50. On retrouve bien la marque de fabrique du moine artiste : un dessin au contour noir qu’il remplit avec des aplats de couleurs vives. L’aménagement liturgique, c’est-à-dire l’autel, le banc de communion, le tabernacle et les autels latéraux sont réalisés en faïence et proviennent des ateliers de Wisques. Il est difficile de déterminer, en l’absence de sources exactes, l’auteur de ces œuvres sachant que les moines artistes travaillent en commun. Qu’est ce que représente la scène de Saint-Pierre aux liens? Cette scène est issue des Actes des apôtres. Le roi Hérode met en prison l’apôtre du Christ, saint Pierre, et fait surveiller sa cellule par quatre gardes. Pierre s’endort. Un ange lui apparaît en songe et lui demande de se lever et de lacer ses sandales. Pierre, pensant qu’il rêve toujours, suit l’ange, et passe devant les postes des gardes sort de la ville sain et sauf. (Actes des apôtres, chapitre 12, 1-11. Le saint patron est généralement représenté dans le transept sud des édifices religieux.

Ensuite : Eglise Saint-Omer de Zudausques : sous l’impulsion du R.P. DELPIERRE, les moines de Wisques réalisèrent plusieurs oeuvres. Le mobilier servant à la liturgie (la chaire à prêcher, le banc de communion, l’autel, le baptistère, les présentoirs des statues) est l’œuvre de Joseph Philippe, un élève de Dom Bellot. Un tableau représente une piéta : la Vierge Marie pleurant son fils sur ses genoux juste après sa mort par crucifixion. Marie est aidée par deux anges qui soutiennent le corps du Christ. Cette œuvre est située sur un autel latéral commémorant les morts de la commune durant les deux conflits mondiaux. Son auteur de cette œuvre, le père Mes, est facilement indentifiable car il utilise des couleurs chatoyantes avec une dominante de bleu. Qui etait saint Omer ? Les saints sont très importants dans la tradition chrétienne. Leur vie est un modèle à suivre pour les croyants catholiques. Omer est originaire de Normandie et lorsqu’il est moine à l’abbaye de Luxeuil, il se fait remarquer par ses qualités d’obéissance, d’humilité et d’indulgence. Il est nommé évêque de Thérouanne pour évangéliser les morains (les habitants de la région de Saint-Omer).

Le père DELPIERRE avait recensé 34 bombardements à Zudausques. Tout était était donc à reconstruire !

Le RP DELPIERRE était resté très lié à ses amis de détention, et notamment au Prince Philippe de MERODE. C’est ainsi que le 27 juin 1942, il fut invité à prononcer un discours au mariage de ce dernier avec Mademoiselle la Comtesse Micheline de GOUTAUT-BIRON, en l’église de Saint-Thomas d’Aquin à Paris. (Celui-ci décéda en 1974, et son épouse le 18 décembre 2017 après avoir fêté ses 100 ans le 7 novembre de la même année.)

Le Père Delpierre reçut officiellement le 12 août 1947 un dernier accord pour un an de la part du Saint-Siège (Indult « ad annum ») pour exercer à titre exceptionnel hors de son abbaye une activité de prêtre séculier (exclaustration). Cet accord fut exécuté par le Révérendissime Père Abbé de Solesmes le 2 septembre 1947. Durant cette année d’exclaustration, il devait trouver un évêque qui consentît à l’accepter définitivement dans son diocèse après sécularisation, au risque sinon de devoir reprendre sa vie de moine régulier. Devant son absence de décision, c’est dans une lettre du 30 avril 1949 que l’abbé de Wisques, DOM AUGUSTIN SAVATON, lui rappela fermement son devoir de choisir entre « la vie cénobitique et conventuelle, et l’administration séculière, réelle et féconde des paroisses confiées à son zèle ». Ce fut pour lui une bien difficile décision à prendre que de choisir entre le régime d’un monastère pour lequel il s’était engagé toute sa vie durant, avant la guerre, ou la demande d’incorporation au diocèse d’Arras pour poursuivre la tâche passionnante (où les faits l’ont conduit) de gérer des paroisses, et de les reconstruire, tâche que le « destin » l’avait amené à mener. Pour prendre cette décision, il lui fallut un éclairage. Et ce fut Marthe ROBIN qui éclaira sa route…

En 1949, Rome demande finalement à tous les moines en ministère de réintégrer leur monastère. Le Père DELPIERRE avait pris sa décision (éclairée !) : poursuivre le chemin que le Seigneur lui avait tracé et lui avait fait emprunter initialement bien malgré lui : s’atteler à gérer et reconstruire les paroisses du diocèse. Tâche au combien passionnante ! Il est nommé aumônier de l’Action Catholique Internationale pour la section de Saint-Omer. Devant sa notoriété et son succès dans la création de cette section d’ACI, l’évêque d’Arras, Mgr Dutoit, voulu le nommer Délégué Diocésain d’ACI. Le Père Delpierre a répondu à l’évêque par une belle lettre en déclinant cette proposition en expliquant qu’il n’était pas un intellectuel, mais qu’il ne voulait qu’être curé, tout simplement. Mgr Dutoit le désigna alors pour relever la paroisse de Wimereux.

-5- Missionné pour restaurer l’église de Wimereux

En octobre 1952, le Père Delpierre quitte l’Audomarois pour la paroisse de Wimereux. C’est une foule considérable qui l’accueille : aux fidèles de Wimereux et des environs se sont joints ceux des paroisses qu’il administrait dans la région de Saint-Omer. Lorsqu’il arrive à Wimereux, la réparation de l’église est achevée, virtuellement, au titre des dommages de guerre, et bien incomplète.

L’année suivant son arrivée, la maçonnerie extérieure de l’église et la couverture, sont refaites dans le cadre des dommages de guerre.

Le 19 décembre 1954, il fait poser un acte de foi en érigeant au chevet de l’église une chapelle dédiée à Notre-Dame de l’Univers, dans les jardins de la maison presbytérale qu’il modernisa. La niche est ornée d’une Vierge à l’enfant, œuvre du sculpteur Claude Gruer.

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-6- Après un accident : de la souffrance secrète jusqu’à frôler la mort : ave maria gracia plena

Attardons-nous sur un événement dramatique qui mérite d’être développé et qui cristallisa l’émotion des paroissiens de Wimereux autour de leur curé. Le voici tel que nous l’a raconté Nicole Hémard lors d’une rencontre à son domicile en décembre 2017.

L’hiver 54 fut pour lui le départ d’un incroyable calvaire. Un soir de cet hiver 54, Le RP Henry Delpierre revenait en voiture de l’Hôpital de Saint-Venant où il y avait conduit des paroissiens de Wimereux (1 frères et 2 sœurs) pour leur permettre de rendre visite à leur frère hospitalisé, et tout ce petit monde avait repris le chemin du retour vers Wimereux dans la voiture du Père qui était au volant. Il s’était mis à neiger. Au passage à niveau de Lumbres, dans le sens opposé, une personne (qui plus est, une des ses anciennes paroissiennes de Zudausques) roulait à gauche, distraite semble-t-il par la personne qui l’accompagnait… Pour le Père Delpierre, l’accident frontal fut important : sans ceinture de sécurité (comme dans tous les véhicules de l’époque), le volant impacta violemment l’estomac du prêtre. Il refusa catégoriquement l’hospitalisation et rentra chez lui en dénigrant simplement sa douleur… Car le Père Delpierre n’était guère du genre à se plaindre, souffrant déjà secrètement d’un problèmes de gastrite ancienne (peut-être secondaire à une ingestion involontaire de vinaigre, par méprise avec une bouteille d’eau, du temps où il était scout). Il essaya donc de reprendre une vie normal. Le Docteur Mulliez, son médecin à Wimereux, ne pouvait pas faire grand-chose pour le guérir sur le plan médical avec les moyens de l’époque. Il lui fallait un avis chirurgical, mais qu’il remettait au calendes grecques.

En octobre 55, le R.P. Delpierre fit le pèlerinage de Lourdes. Sur le chemin du retour, à Rocamadour, il présenta à nouveau des douleurs abdominales avec hémorragies digestives basses importantes. Il rentra malgré tout en train, tant bien que mal. Voyant dès son arrivée l’état très inquiétant de son frère, Jean Delpierre (patron des pêcheries Delpierre), pris des décisions à sa place : et aussitôt il l’envoya, manu militari (c’est à dire entre les mains de sa belle-sœur) en consultation auprès du Pr Jacques Mialaret de l’Hôpital Saint-Louis à Paris (service de chirurgie générale, pavillon Bazy). Il fut donc hébergé avec celle-ci, à Paris, près de la rue du Bac, dans un état d’épuisement sévère, lié à son anémie secondaire aux hémorragies, avec obligation de garder le lit. Ce qui ne l’empêcha pas d’aller, à l’insu de son garde malade, jusqu’au sanctuaire de la rue du Bac, pour dire la messe auprès du corps de Sainte Catherine Labouret !

Le lendemain, l’avis du Pr Mialaret fut net : « Votre cas est grave et urgent : je vous donne trois heures pour vous opérer, au-delà, je ne réponds de rien ! » Aussitôt le Père Delpierre signa une décharge en déclarant au chirurgien : « J’ai promis au Docteur Stérin que si je devais être opéré, ce serait auprès de mes amis chirurgiens de Saint-Omer ! » Il faut dire que le Père Delpierre avait beaucoup d’amis sur Saint-Omer, car il y était aumônier de la section locale de l’Action Catholique Internationale (ACI). Le Pr Mialaret lui répéta : « Vous avez donc trois heures pour être opéré à la Clinique du Docteur Stérin de Saint-Omer auprès de mes collègues locaux, au-delà je ne réponds plus de quoique ce soit ! ». La belle-sœur d’Henry Delpierre le conduisit aussitôt auprès de ses amis chirurgiens audomarois.

Dès son arrivée à la Clinique du Docteur Stérin de Saint-Omer, le Père Delpierre fut jugé inopérable dans l’immédiat, vu l’état d’anémie avancée dans lequel il était réduit. Des transfusions ont du être d’abord débutées. Il s’agissait à l’époque de transfusions directes de donneur à receveur (le Père Delpierre a d’ailleurs gardé méticuleusement sur de petites fiches les noms des généreux donateurs d’un sang si précieux et salvateur).

Il fut ensuite opéré une première fois. L’intervention fut un échec. Il fut déclaré « entre la vie et la mort ». Qui plus est, une hépatite virale post-transfusionnelle s’était déclarée. Jean Delpierre mit tous les moyens qu’il avait à sa disposition pour sauver son frère, et il ramena le jour même au chevet de celui-ci, devenu intransportable, le Pr Mialaret lui-même, en urgence, par avion particulier, de Paris à Saint-Omer ! Ce dernier ordonna de lui faire faire des radiographies. Mais la clinique n’était pas équipée de service de radiologie ! : il fallu donc déplacer en civière le Père Delpierre, dans un état critique, dans les rues de Saint-Omer, jusque dans un cabinet de radiologie en ville. On essaya de réaliser une radiographie de Transit Oeso-gastro-duodénal (TOGD) : mais aucun transit digestif ne pouvait être enregistré, car aucun produit baryté ingéré ne voulait passer l’oesophage paralysé. « Pensez à quelque chose que vous aimeriez manger !» lui dit le Pr Mialaret. Le Père Delpierre pensa à des escargots ! Cette idée le fit saliver, le péristaltisme oesophagien reprit, et le produit baryté commença a progresser, permettant la réalisation de ce TOGD. Ce dernier a révélé au Pr Mialaret le diagnostic et sa conclusion fut nette : « il faut réopérer d’urgence ». C’est ainsi que de simples escargots ont permis de progresser dans les étapes de guérison d’Henry Delpierre.

Cette seconde intervention fut réalisée par le Professeur Mialaret par une technique que seul lui connaissait dans la clinique. Elle ne fut cependant peu concluante, avec une convalescence de 9 jours durant lesquels Henry Delpierre souffrit de hoquets incoercibles, nuits et jour, sans pouvoir avaler quoique ce soit, ne serait-ce qu’une goutte d’eau.

Une troisième tentative chirurgicale eut à nouveau lieu au bout de quelques semaines. Il avait voulu être opéré un 19 octobre, trois jours avant la fête de Notre-Dame de Boulogne, à l’heure de la messe des enfants, pour qu’ils puissent prier pour lui… Son état n’avait fait que s’aggraver. Entre la vie et la mort, il pensa à rédiger son testament. Le Père-Abbé de Wisques vint lui rendre aussitôt visite, et lui envoya son ami de toujours, le Père Henri-Marie Guilluy, pour rester à ses côté, le veiller, et lui proposer les derniers sacrements. (Le Père HM Guilluy (1911–2008) était moine profès de l’Abbaye Notre-Dame de Wisques depuis 1935 ; il devint prêtre en 1939 ; il fut le Fondateur de Notre-Dame d’Espérance à Croixrault le 1er octobre 1966 – Objectif du fondateur : simplement mettre à la portée des malades, des faibles, des petits, des handicapés, cette vie monastique bénédictine qu’il a connue pendant trente ans, leur transmettre ce qu’il a reçu de ses maîtres : en particulier Dom Savaton, le Père vénéré, et à travers lui Dom Delatte.)

Pendant ce temps, toute la paroisse de Wimereux priait pour son curé. L’archiprêtre de la cathédrale de Saint-Omer était allé à la cathédrale de Boulogne emprunter la main miraculeuse de Notre-Dame de Boulogne, et était repassé à la clinique de Saint-Omer la faire vénérer par le Père Henry Delpierre. A ce moment ce dernier, sur son lit d’agonie, prit la main miraculeuse et pria la vierge pour son intercession, en lui disant : « Bonne Sainte Vierge, n’oubliez pas quand même que je suis le curé de Wimereux, et donc le curé de Honvault, où vous avez été cachée dans le puits pendant la révolution ! » L’archiprêtre rassura le Père en lui disant : « Mon Père, sachez que tous vos amis, de Saint-Omer, du monastère Wisques, ainsi que vos anciens paroissiens de Zudausques et des paroisses environnantes, sont réunis ensemble en ce moment à la cathédrale de Saint-Omer pour une veillée de prière afin de demander votre guérison. »

(Représentation du Château de Honvault au XVIIIe siècle)

Le lendemain matin, le Père Guilluy, qui était resté toute la nuit auprès de son ami mourant, fut réveillé par celui-ci lui réclamant à boire, lui qui n’avait pas pu ingérer la moindre goutte d’eau depuis des semaines. « Henri, donne-moi de l’eau ! J’ai soif !» Le Père Guilluy lui répondit : « Mais tu n’es pas sérieux, le médecin t’a interdit d’ingérer quoique ce soit ! Sois obéissant au moins une fois dans ta vie ! Écoute les consignes du médecin ! » Finalement, devant l’insistance obstinée de son ami, le Père Guilluy concéda à lui donner de l’eau. Le Père Delpierre la but, et l’eau passa, sans problème. Et il reprit aussitôt ses forces.

On prévint aussitôt le Père-Abbé de Wisques, Don Savaton, qui accurut à son chevet. Il dit au Père : « Mon petit frère, le Seigneur vient de vous laisser une trêve pour vous convertir ! » Ce fut en fait une longue trêve, qui permit à Henry Delpierre de vivre jusqu’à 92 ans ! Une trêve pour se convertir… Et sa conversion fut un long chemin de conversion pour beaucoup !

Et le Père Delpierre fut ainsi sur pied 3 jours après son intervention, le jour de la fête de Notre-Dame de Boulogne !

Il n’en reparla plus jamais, mais au fond de son cœur, il savait qu’il devait sa guérison à l’intercession de Marie. Il eut d’ailleurs, et depuis toujours, une grande dévotion pour Notre-Dame. Il conservait toujours sur lui quelques feuilles sur lesquelles il avait recopié quelques lignes, qu’il avait fait siennes, de l’acte de consécration à Jésus par Marie de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Ce document fut retrouvé, très effrité, dans ses vêtements, après sa mort. Il commence ainsi : « Sainte Vierge Marie, Mère de Monseigneur et très aimé Jésus, pour qui je veux être à jamais une hostie d’amour et de louanges, je renouvelle aujourd’hui ma consécration de moi-même que je vous ai faite verbalement le 11 juillet 1932. Moi, Henry Eugène Jean-Marie Delpierre, pêcheur infidèle, je renouvelle et ratifie entre vos mains les vœux de mon baptême… Je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie… » et au dos de ce document on peut lire, rédigé de sa main : « Wisques, Saint Bernard, 20 août 1937, Henry Jean-Marie Delpierre, moine bénédictin – 2 février 1938 – Prison de Sarrebrück 19 août 1940, premières Vêpres de la Saint Bernard – Zudausque, le 24 aout 1942 – Lelinghen le 1er mai 1944 – Mont des Cats 25 août 1948 » (retrouvé le 21 février 2003) –

Cet épisode de souffrance fut un réel moteur dans le redémarrage de la vie paroissiale, devant ce jeune prêtre dynamique de 44 ans, qui souffrit le martyr pendant 4 mois, et qui dut sa guérison en partie à Marie ! Tous les paroissiens de Wimereux se sont rendu compte de sa grande dévotion à Notre-Dame. Tous furent heureux de le retrouver. Avec un tel « blanc seing » (on pourrait presque l’écrire ici « blanc saint »), il put ainsi conduire la reconstruction de l’église de Wimereux dans l’esprit quelque peu révolutionnaire des moines de l’Abbaye de Wisques d’après guerre, qui annonçait celui de Vatican II, en modifiant considérablement l’espace liturgique de son église. Peu de statues, simplicité et pureté des lignes, pureté aussi des matériaux bruts, mis en relief par la lumière colorée des vitraux…

-7- Des réformes conciliaires « révolutionnaires » pour des paroissiens médusés mais acquis au « Père » de Wimereux

Ses paroissiens auront désormais la plus grand indulgence pour leur curé, le considérant comme guéri par l’intercession de Marie.

En 1957/1958, le Père décide, comme il l’avait déjà fait dans la région de Saint Omer, de moderniser l’espace intérieur de l’église (autels, vitraux…). Il fait appel à Henry Lhotellier et Maurice Rocher pour les vitraux. Henry Lhotellier était secrétaire du mouvement d’Art Sacré « La Nef » dont le RP Delpierre était membre et Mgr DUTOIT président… Henry Lhotelier fit des essais de vitraux pour l’église de Wimereux, et le R.P. Delpierre les fit installer à la place des fenêtres du presbytère.

Suite au Concile Vatican II, de nouvelles transformations sont opérées en 1967/1968. Fidèle à la réputation des Bénédictins, « Moines bâtisseurs », et dans le même esprit pastoral que l’abbé Lebègue en son temps, il fait bâtir en 1974, au nord de Wimereux, une seconde église dédiée au Christ-Ressuscité pour desservir les nouveaux quartiers, et apporter la Bonne Nouvelle au cœur de ce quartier populaire, et atteindre, comme pourrait le dire actuellement le Pape François, « la périphérie » si proche de nous, et qui est dans nos villes notamment… Cette église lui tenait à coeur ! Pour mémoire, lors des départs des bateau pour la pêche en mer, sa mère avait l’habitude monter sur une hauteur pour les voir partir et priait longuement avec son chapelet l’intercession de la Vierge pour éviter qu’un naufrage ne leur arrive. Son chapelet, le R.P. Delpierre l’a placé dans les fondations de la grande croix qui se trouve à l’extérieur de l’église du Christ-Ressuscité. D’autres chapelets « importants » à ses yeux et de certains paroissiens sont placés dans la pierre de la table de l’autel de cette église…

Les fonds nécessaires pour tant de travaux auront diverses sources, mais proviendront principalement de la famille Delpierre, riche famille d’armateur boulonnaise. Son frère, Jean Delpierre, devint le patron des « Pêcheries Delpierre », qui porteront le nom de « Pêche & Froid » à partir de 1960. Pour l’anecdote, ce dernier aimait à plaisanter en répétant « Moi, c’est Delpierre, Pêche et Froid, et mon frère Henry, c’est Delpierre, Prêche et Foi ! »…

Article de la Voix du Nord consacré au 25 ans de ministère paroissial du Père Delpierre par Guy Bataille (cliquer pour l’ouvrir en grand)

Voeux et Remerciements du R.P. DELPIERRE au maire, le Docteur Jacques BRESSON , pour les cérémonies commémoratives de ses 25 ans de ministère paroissial à Wimereux :

29 ans après son arrivée, les problèmes de santé le contraignent à remettre sa démission à l’évêque. Il quitte Wimereux le 23 août 1981, laissant dans la commune une empreinte indélébile, pour se retirer à Inxent-sur-Course, et y seconder l’abbé DUCATEL.

-8- L’Adieu au « Père »

Voila ce qu’écrivait Guy Bataille, journaliste à la Voix du Nord et historien wimereusien, dans son article du 9 et 10 août 1981, relatant le retrait du ministère paroissial du R.P. Delpierre :

« La restauration de l’église de l’Immaculée Conception, qu’il embellit avec un goût très sûr… à laquelle il se donna totalement…fut la mission que lui avait confiée S.E. Mgr Perrin. Mais il fit plus encore. Il anima les œuvres paroissiales, tout en se consacrant par ailleurs, à la commission diocésaine d’art sacré. Puis, lorsque Wimereux se développa au Nord, il fut l’artisan de l’église du Christ-Ressuscité. Enfin, avec l’équipe paroissiale qu’il avait formée, il anima la vie spirituelle, accueillant près de six cents enfants, chaque année, dans les catéchismes. »

« Entre temps, le R.P. Delpierre prononçait des homélies d’une rare qualité, telles qu’on venait spécialement à Wimereux suivre son enseignement et apprécier la liturgie strictement conciliaire qu’il assurait dans ses deux églises. »

« Mais le R.P. Delpierre avait présumé de ses forces. Aussi est-ce au prix d’un grand déchirement de cœur qu’il a remis à l’autorité diocésaine sa démission. »

« Le R.P. Delpierre quittera définitivement Wimereux le dimanche 23 août, après une unique messe célébrée à 11h30, suivie d’une réception en mairie. »

« Puis, à la salle paroissiale, ce sera l’au-revoir ou l’adieu à ceux qui auront été ses paroissiens durant près de trente ans et qui lui témoigneront leur reconnaissance à cette occasion. »

« [Mais voyons la première étape de cette journée.]  La réalité de la paroisse de Wimereux, paroisse d’été et d’hiver, paroisse du centre et du Baston, est apparue évidente, bien vivante, dimanche, à l’occasion de la messe d’adieu célébrée devant une assistance considérable, au milieu du plus grand recueillement et même d’une émotion intense, par le R.P. Henry Delpierre, qui a décidé de se retirer du ministère paroissial. »

« Dans le choeur avait pris place S.E. Mrg Mazerat, ancien évêque d’Angers, ami du Père Delpierre, qui, à l’autel pour la concélébration, avait à ses côtés les R.P. Hoestlandt et Febvay qui l’aidèrent durant de nombreuses années dans son ministère dominical, le R.P. Butti, S.J, qui depuis le 4 mai dernier assura son intérim, les abbés Dollé, doyen de Boulogne, JB Logié, archiviste, et Alain Depreux, un ami de Wimereux. »

« Aux premiers rangs de l’assistance, d’un côté la famille du R.P. Delpierre, de l’autre le Dr Bresson, maire, et les membres du conseil municipal, et M. Albert Gournay, président du conseil paroissial. »

« La chorale, dirigée pour la dernière fois également par Mlle Nicole Hémard, se montra particulièrement brillante. »

« Après l’Evangile, c’est M. Guy Bataille qui, au nom de toute l’équipe paroissiale, exprima les sentiments et surtout la peine que tous ressentaient devant ce départ qu’il faut accepter. »

« Puis, M. Albert Gournay, en termes émus, évoqua l’action à Wimereux du R.P. Delpierre dont le bilan avait été dressé en 1977, après un quart de siècle à Wimereux. M. Gournay, très justement, souligna la marque profonde du sillon tracé par ce prêtre généreux, la construction de l’église du Christ-Ressuscité, entre autres réalisations, et aussi le poids de la charge d’une paroisse de près de 8000 âmes en hiver, de 15 à 20 000 en été, charge trop lourde pour une prêtre seul, attentif à toute la vie paroissiale. »

« C’est avec l’émotion que l’on devine, que le R.P. Delpierre prononça sa dernière homélie wimereusienne. Il salua Mrg Mazerat, le Dr Bresson revenu tout exprès par avion pour la cérémonie, ses confrères, et exprima son profond attachement à toute la population. « J’ai passé à Wimereux, dit-il, les deux tiers de ma vie sacerdotale. J’y ai vécu heureux. Je pars avec regrets ». Le R.P. Delpierre se réjouit des rapports très cordiaux qu’il eut toujours avec les maires de Wimereux, les conseillers municipaux, les services de la mairie, les sociétés de la ville et les membres de l’enseignement officiel. Puis, il adressa ses remerciements à M. Albert Gournay, son ami d’enfance, à M. Bataille et aux membres de l’équipe paroissiale « fidèle pendant les jours de soleil, de brume et même de tempête ». Il exprima sa reconnaissance au P. Febvay, son vieil ami de toujours, et au R.P. Hoestlandt, « conseillers avisés en toutes circonstances ». Sa reconnaissance aussi à Mlle Hémard, dont il souligna « l’esprit liturgique » et le « sens du sacré » et dont il rappela qu’ellee avait orné les deux églises de Wimereux de ses très belles sculptures. »

« Le R.P. Delpierre n’oublia pas non plus la chorale, l’équipe des catéchistes, de la liturgie, les organistes, tous ceux qui l’ont aidé dans sa tâche. « J’ai voulu, affirma-t-il, être spirituellement mais aussi humainement présent à toute la communauté de Wimereux ». Il remercia aussi sa famille d’avoir accepté qu’il se consacrât entièrement à la paroisse. « J’ai voulu aussi, ajouta-t-il, préparer l’avenir ». Il exprima alors sa reconnaissance à la générosité extra-ordinaire manifestée par ses paroissiens dont il emportera le souvenir puisque chaque jour, dans l’oratoire qu’ils ont aidé à construire à Inxent (Subiaco), il aura une pensée à la messe quotidienne. »

Surprise ! A l’entrée de la mairie, geste spontané, la musique municipale et les majorettes formaient une haie d’honneur et c’est sous les applaudissements que le R.P. Delpierre gravit l’escalier de la mairie.

Son attachement à Wimereux et à tous ses habitants sans exception, le R.P. Delpierre devait encore l’exprimer lorsqu’il écrivit quelques lignes émouvantes sur le livre d’or de la ville au cours de la réception donnée en son honneur.

Sur le Livre d’Or de la Ville de Wimereux, le 23 août 1981, le R.P. Delpierre écrivit :

« Je suis venu à Wimereux par obéissance,
j’y ai vécu très heureux,
Je pars avec un infini regret.
Henry Delpierre O.S.B. »

A la Mairie, en présence du conseil municipal, de M. Herlem, ancien maire, et de nombreuses personnes et personnalités, le Dr Bresson prononça une remarquable allocution qui partait du coeur, exprimant l’attachement des Wimereusiens à la personne du Père, dont ils appréciaient l’aménité, la courtoisie, la générosité, la disponibilité. Etablissant un parallèle avec l’action du maire, le Dr Bresson rappela la présence à tous les actes de la vie de générations de Wimereusiens. Le médecin des corps rendait hommage, remarquablement, au médecin des âmes et ce propos était à la fois d’une grande hauteur de vue et bouleversant. Finalement, c’est un témoignage insigne qu’apportait le maire de Wimereux au curé de Wimereux qui s’en allait.

Pour voir le diaporama « Adieu, Père ! » du Dr Jacques Bresson (la journée du 23 août 1981 avec le départ à la retraite et quelques photos de Subiaco avant la mort du R.P. Delpierre) : cliquer sur le lien suivant :

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant le R. P. Delpierre aux chapitres 5, 6, et 7 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

-9- Une retraite à Subiaco

En 1981, le R.P. DELPIERRE quitte Wimereux pour se retirer dans l’ermitage (Subiaco) qu’il a fait construire à Inxent. (Cliquer sur l’icône ci-dessous pour ouvrir l’article consacré à Subiaco)

Il fêtera son jubilé d’or sacerdotal à l’Abbaye de Wisques en juillet 1987, « dans la beauté du chant grégorien et dans la piété fraternelle des religieux, en présence du Très Révérend Père Supérieur Gérard LAFOND, du Révérendissime Père Abbé GAILLARD, en retraite, et du Révérend Père Abbé GUILLUY, supérieur du monastère de CROIXRAULT, (…) avec la présence dans l’assemblée de l’Abbé Alain DEPREUX, du Docteur BESSON, maire de Wimereux, de Monsieur Albert GOURNAY, président du Conseil Paroissial de Wimereux. » (d’après l’article de Guy Bataille dans La Voix du Nord du 23 juillet 1987).

Le 7 octobre 2001, le R.P. Delpierre décède à INXENT, et c’est Nicole HEMARD, son élève en matière de sculpture à Wimereux, qui prendre en charge le quasi-prieuré de Subiaco qu’il avait fait construire à INXENT-SUR-COURSE.

Des documents concernant le R.P. Henry Delpierre, ont été redécouverts en 2016 lors d’une visite aux archives diocésaines (depuis le jeune moine bénédictin d’avant-guerre jusqu’au curé paroissial retraité de Wimereux, en passant par sa rencontre avec Sartre dans les camps de prisonniers en Allemagne durant la 2nde guerre mondiale). 

Cliquez sur la vignette ci-dessous pour visualiser le document d’archive en question (document n°15)

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Abbé René Cocart

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Cocart au chapitre 4-2 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Désigné dès septembre 1944 pour remplacer l’abbé Mourmier, l’abbé Cocart hésite dans un premier temps. Son âge avancé, la vieillesse de sa sœur (78 ans), font qu’il a peur de prendre en charge cette paroisse durement touchée par la guerre.

Finalement, après avoir attendu six mois, et sachant que Wimereux est toujours libre, l’abbé Cocart accepte enfin cette cure où il arrive le mercredi 11 avril 1945. L’installation a lieu le dimanche suivant, 15 avril. Il reprend les œuvres mises en route par son prédécesseur.

La tâche n’est pas facile, car les exigences de l’occupant et l’éloignement d’une partie de la population ont réduit leur activité. Néanmoins, il s’emploie à donner à la paroisse une impulsion nouvelle.

On lui doit, entre autres, la création d’une antenne du Secours Catholique. Il remet en route le bulletin paroissial. Il s’emploie également à restaurer les bâtiments paroissiaux (salle de patronage, église). En 1947, grâce à la générosité des paroissiens, les vitraux du chœur et du transept sont refaits à neuf et posés pour les Fêtes pascales.

En raison de son état de santé, Il est contraint de donner sa démission et quitte la paroisse en 1952 avant d’avoir pu, malgré tous ses efforts, achever la restauration de l’église. Ce fut son plus grand regret.

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Abbé Paul Mourmier

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Mourmier aux chapitres 3-2 et 4-1 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Vicaire de la paroisse Saint-Nicolas de Boulogne, l’abbé Mourmier est installé comme curé de Wimereux le 20 septembre 1936 par le chanoine Guillemin, nouveau doyen de Saint-Pierre.

Dès sa prise de fonction, il redynamise la paroisse qui s’était peu à peu endormie. Les œuvres sont mises en route et atteignent le chiffre de 40. Il a fort à faire en raison de la population sans cesse grandissante, du nombre d’enfants, et des distances à parcourir pour tout gérer. Les catéchismes reprennent leur marche normale, le patronage fermé depuis de nombreuses années reçoit des aménagements et rouvre ses portes fin octobre.

La beauté des offices est rehaussée les jours de fêtes par la constitution d’une petite maîtrise, et au service de l’autel, 12 enfants de chœur prennent leur fonction très au sérieux.

L’abbé Mourmier tient à ce qu’on n’oublie pas les anciens pasteurs de la paroisse, à commencer par le premier d’entre eux, l’abbé Lebègue. C’est pourquoi une plaque de marbre commémorative, placée dans le transept gauche, est inaugurée le 15 novembre 1936.

Le même jour, à l’extérieur, quai de l’église (aujourd’hui quai Théophile Dobelle), est placé un grand calvaire, offert par souscription à la mémoire de l’abbé Brassart, son prédécesseur. Il fait également restaurer l’orgue, poser un beau lambris sur le pourtour du chœur en janvier 1938 et l’année suivante, d’importants travaux intérieurs embellissent l’église (murs, plafonds).

Malheureusement, la guerre arrive et à la libération de la ville en septembre 1944, tous ces efforts seront anéantis.

Nommé doyen d’Audruicq, l’abbé Moumier doit faire ses adieux aux paroissiens le 11 novembre 1944. Il y a de l’émotion et des regrets dans bien des cœurs, et en particulier dans celui du pasteur lorsqu’il évoque le souvenir des bons et mauvais jours passés…

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L’Abbé Gustave Brassart

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Brassart  au chapitre 3-1 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Le 5 décembre 1920, l’abbé Gustave Brassart, supérieur du collège de Fruges, entre dans le ministère à sa demande et est installé curé de Wimereux.

Dès les premières années de son ministère, il améliore l’église et son mobilier : inauguration de l’électricité, bénédiction d’une statue et d’un autel de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus réalisés par Jules Bouldoduc, sculpteur et marbrier.

En 1926, ce sera l’arrivée de deux nouvelles cloches et l’année suivante, celle de l’orgue qui se trouvait auparavant dans une chapelle anglicane à Boulogne-sur-Mer.

Afin de faire un lien entre la Paroisse et les paroissiens, l’abbé crée un journal paroissial. C’est la « Chronique de Wimereux ».

A partir du début des années 30, sa santé décline lentement. A cela viennent s’ajouter plusieurs accidents domestiques. L’abbé Brassart ne se plaint pas et continue sa tâche ; néanmoins, les activités de la paroisse s’en ressentent. Atteint de paralysie, il est conduit dans une clinique de Boulogne où il décède le 17 août 1936. Ses funérailles, au cours de laquelle Monsieur Cacan, maire de Wimereux, prononce quelques mots, sont célébrées le 20 août par le chanoine Merlent, curé de Saint-Michel. L’abbé Brassart est inhumé à Sainte-Catherine-les-Arras le lendemain.

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Abbé Louis Vergriette

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Vergriette  au chapitre 2-2 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Né à Eperlecques le 9 mai 1856, l’abbé Vergriette a été successivement professeur au collège Saint-Bertin à Saint-Omer, directeur à l’institution Saint-Waast à Béthune, curé de Saint-Nicolas-sur-L’Aa et de Louches, près d’Ardres. Il est nommé curé de Wimereux le 6 mars 1907 et est installé dans la paroisse le 24 mars, Jour des Rameaux, par le Chanoine Sellier, doyen de Saint-Pierre.

Dès son arrivé, l’abbé Vergriette poursuit l’œuvre de son prédécesseur et se rend compte qu’il est nécessaire d’avoir des locaux pour le patronage des garçons et des filles. Il fait construire à côté du presbytère, sur un terrain loué à la mairie, une salle en bois pour les réunions des garçons. Pour les filles, il loue une salle des fêtes avec théâtre utilisée auparavant pour distraire les baigneurs et qui ne servait plus depuis la construction du casino en 1903.

La salle des garçons sera inaugurée et bénie le 8 juin 1908 et la salle des filles, qui prendra le nom de salle Jeanne d’Arc, sera inaugurée le 9 août de cette même année. Tout comme l’abbé Pourchaux, l’abbé Vergriette porte une grande attention à la jeunesse.

Il crée en 1910 l’A.J.C pour les jeunes âgés au moins de quinze ans, issus du patronage. La même année, il faire agrandir la salle des garçons pour y placer un second billard.

L’abbé Vergriette a rédigé un petit exposé sur la guerre 14-18 vécue à Wimereux qui a été retrouvé dans une visite récente (2016) aux archives diocésaine (document n°7 des archives). Vous pouvez l’examiner en cliquant sur le l’icône suivante :

En 1920, après les épreuves de la Grande Guerre, l’abbé doit faire face à des problèmes de santé. Une pneumonie faillit l’emporter en mars. Affaibli, et avec l’accord de l’évêque, il quitte Wimereux le 21 octobre et se retire à Saint-Omer.

 

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L’abbé Georges Pourchaux

Vous retrouverez la période de l’histoire de l’église de l’Immaculée-Conception concernant l’Abbé Pourchaux au chapitre 2-1 du « Récit d’une aventure » en cliquant sur :

Né à Saint-Martin-au-Laërt en 1865, l’abbé Georges Pourchaux a d’abord été vicaire à Le Portel puis curé d’Halinghen.

Il est nommé curé de Wimereux le 1er juillet 1902, et loge dans un premier temps à la villa « Les Lyciets », quai Alfred Giard (aujourd’hui résidence « La Falaise »).

La construction du presbytère débutera en juin 1903, sur le terrain donné à la commune par l’abbé Lebègue.

Le début du ministère de l’abbé Pourchaux sera marqué par deux épreuves : en 1904, victimes de la loi sur les Congrégations Religieuses, les Sœurs de l’Immaculée-Conception sont contraintes de quitter Wimereux. Votées en 1905, les lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat entraînent l’année suivante l’inventaire des biens de l’Eglise et la dissolution du Conseil de Fabrique (aujourd’hui E.A.P.). Malgré cela, l’abbé poursuit son œuvre. Il s’attache en particulier rassembler les paroissiens, dont une partie continuait d’aller à la messe à Wimille, bien que l’église soit devenue paroisse depuis 1902. Il y parviendra grâce à ses prédications.

La jeunesse tenant une place importante dans son ministère, il crée en octobre 1906 le patronage, aidé de sa sœur et de quelques paroissiennes.

En février 1907, nommé curé de Le Portel où il avait été vicaire autrefois, il doit avec regret quitter sa chère paroisse.

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