OpalSinfonietta rêvait depuis des années de pouvoir jouer avec l’incomparable violoniste virtuose, NATACHA TRIADOU, élève des plus grands, dont Yehudi Menuhin. De son côté, l’AEICW avait réussi à l’inviter en mai 2018 pour un magnifique récital à l’église de Wimereux, qui restera dans les esprits. L’association souhaitait reprogrammer un concert avec cette artiste, accompagnée éventuellement d’un orchestre. C’est ainsi que, par ce que certains pourront appeler « la Providence », le rêve d’OpalSinfonietta a pu se réaliser, par la demande de l’AEICW de programmer un concert en rapprochant les uns et les autres.
Ce fut chose faite en ce 3 juillet à l’église de Wimille ! Un moment mémorable et merveilleux, hors du temps, dans une église comble. Tous ceux qui ont eu la chance d’y assister pourront dire plus tard : « j’y étais ! ». Au programme : MOZART, uniquement MOZART, rien que MOZART ! Son concerto n°3 pour violon et son Requiem. Un Requiem pour une renaissance ! Celle de l’église de Wimereux dont la restauration nécessite un soutien dans le financement, justifiant une programmation culturelle de qualité par l’AEICW, telle que ce jour, afin de sensibiliser le public à notre action. (Nous tenons à préciser qu’à ce titre, aucun don, ni aucune cotisation, n’est utilisée pour financer notre action culturelle.)
Ce concert n’aurait pas eu lieu sans l’aide du Conseil Départemental (représenté lors du concert par Mme Mireille Hingrez-Céréda), des maires de Wimille et Wimereux (Mrs Antoine Logié et Francis Ruelle) avec leurs services animations, culture, et services techniques respectifs, de l’association des Nocturnes d’Opale sous la présidence de Colette Petitbois (ici dans le cadre de son festival 2019 « Musiques et légendes »), et de l’association Opalsinfonietta, sous la direction de Bernard Schneider. Que chacun reçoivent ici nos plus vifs remerciements pour ce moment inoubliable !
Et bien entendu, ce concert, sans les artistes, ne serait pas non plus ! A eux tous, aussi, nos plus sincères remerciements !
Natacha Triadou, du haut de son talent, mais avec toute la simplicité et l’humilité qui la caractérise, et avec son sourire radiant du bonheur que sa musique nous transmet, nous a ainsi interprété, accompagnée de l’orchestre OpalSinfonietta, sous la direction du jeune prodige Enrique Segura, le 3e concerto pour violon de Mozart. Mozart nous a été « servi » divinement par deux anges musiciens, virtuoses et complices. Ce fut un moment d’exception, où tout le public était transporté au son du violon, soit soutenu par un tapis de corde ou de hautbois, soit en solo, ou encore en dialogue avec l’orchestre, dans le style galant auquel Mozart a su apporté génialement son aboutissement jusque dans la perfection. Tout le public retenait son souffle de peur de rompre le charme du moment. Par l’art de Natacha et de l’Orchestre sous la baguette de son chef, tout Mozart était ainsi présent : Mozart galant et élégant, Mozart raffinée, Mozart dansant, Mozart nuancé et en finesse, Mozart trépidant, et aussi Mozart transcendant de quiétude, Mozart intelligent, Mozart ironique, Mozart génial, Mozart spirituel, Mozart divin, mais aussi Mozart humain, car chacun de nous se retrouve en Mozart : c’est un Mozart universel. Mozart divin ne signifie pas que Mozart est Dieu, cela veut seulement dire que sa musique est supérieurement belle, qu’elle engendre en nous des sentiments très purs, qu’elle semble laisser entrevoir un paradis, par une musique accessible à tous et divinement belle. Mais aussi Mozart paradoxal : pour preuve : voici deux aspects étranges du génie et de la profondeur de Mozart, à savoir qu’il est génial tout en se faisant disciple (de Haydn par exemple), et qu’il est profond tout en adoptant le style galant. Enfin, Mozart naturellement : « La nature parle en moi », confie-t-il dans une lettre. Mozart ne veut pas avoir l’initiative. Il ne se voit pas en créateur. Son art se déploie dans le prolongement de la rivière et de l’oiseau, et dans la reprise de la sagesse des pères. Il se met d’abord à l’écoute. De là sa limpidité et son universalité comme une source. Car la fraîcheur de la source lui vient de n’être pas à soi-même son origine, mais de recueillir à travers soi, en les réchauffant, les neiges éternelles qui viennent de plus haut. Et quand Mozart, par sa musique, nous ouvre les portes d’en haut, pour nous faire oublier tout sauf la musique pure, la musique pour la musique, il nous faut du temps ensuite pour que lorsque celle-ci s’achève nous puissions redescendre dans notre univers ici-bas. C’est ce qui d’ailleurs a fait dire à Sacha Guitry cette fameuse phrase : « Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
Natacha nous a ensuite interprété en bis « Abodah », une pièce de musique juive pour violon seul de Ernest Bloch écrite pour Yehudi Menuhin alors qu’il avait 12 ans ; moment magique d’émotion intense, au point que là aussi, après la résonnance de la note finale, le public n’osait applaudir de peur de rompre le charme qui opérait encore dans les esprits et les cœurs.
En deuxième partie, OpalSinfonietta nous a interprété l’Œuvre, parmi les chefs-d’œuvre du génie musical que fut W. A. Mozart : son REQUIEM ! Bouleversant, sublime et abouti, dirigé de main de maître par le talentueux chef d’orchestre Enrique Segura, ce Requiem rassembla dans une parfaite symbiose 40 choristes amateurs (au sens le plus noble du terme) parmi les chorales du Boulonnais, 4 solistes (Marie-Catherine Honvault, soprane, Barbara Haigneré, alto, Marc Schneider, ténor, et Grégory Duncan, basse), et un orchestre de 40 musiciens (OpalSinfonietta) qui regroupe dans une belle symbiose aussi des musiciens venant de toutes les localités du département et de la région (de Dunkerque à St Omer, Calais à Berck, en passant par Boulogne-sur-mer, Montreuil-sur-mer, le Touquet, Lille, Arras) et de toutes les formations. On y remarque des étudiants, des musiciens formés dans les conservatoires départementaux, régionaux et nationaux, de très jeunes gens, des adultes d’âge mûr, des retraités, des musiciens professionnels.. Ils trouvent ensemble le plaisir de pratiquer la musique dans un souci permanent de qualité et d’exigence, comme ils l’ont encore prouvé ce 3 juillet à Wimillle.
Du grand professionnalisme pour ce concert de haut niveau, qui a ému aux larmes un public venu de toute la côte, mais aussi de la région.
« Le Requiem » est certainement une pièce des plus interprétées au monde mais que l’on ne se lasse pas d’écouter et de savourer, voire d’entrer en elle pour mieux la comprendre. Poignant ? sublime ? divin ? avec quels mots décrire le Requiem de Mozart, ce sommet de la musique en regard duquel les plus grands superlatifs paraissent galvaudés ? La partition est si exceptionnelle qu’elle a donné lieu à de nombreux fantasmes sur les circonstances de sa composition.
Dans le «Requiem», l’orchestre a excellé dans l’interprétation du «Lacrimosa», avec cette sensation d’élévation de l’âme qui laisse surgir une grande émotion musicale.
Le public a répondu plus que présent en remplissant la nef et les travées, mais surtout à ajoutant au terme du concert une standing ovation, ce qui n’est pas courant dans ce type de concert.
C’est dire la qualité donnée par l’ensemble des choristes, musiciens et des quatre merveilleux solistes. Un pur bonheur.
Dans cette œuvre se retrouvent à la fois la terreur face à la mort et au jugement dernier et l’espérance d’un repos éternel dans la lumière et la miséricorde divine. Quelques exemples sont particulièrement éloquents. Ainsi, au sein de l’atmosphère inquiétante de l’« Introit », ponctuée tour à tour par de douloureuses octaves descendantes et des rythmes lourdement pointés, l’éclat lumineux et apaisé du court solo de soprano traduit la douceur de la louange à Dieu. Après le « Kyrie » s’enchaîne une suite ininterrompue de moments aussi terrifiants les uns que les autres. C’est d’abord le déchaînement du « jour de colère » du « Dies irae » dans un fracas de trémolos, d’arpèges et de syncopes haletantes. Puis le « Tuba mirum » convoque les vivants et les morts par son arpège initial (au trombone dans la version orchestrale) et les intervalles distendus de la péremptoire voix de basse. S’ensuit l’effroi général dans un tremblement de notes répétées, et une angoisse marquée de silences interrogateurs. Enfin, le « Rex tremendae » fait littéralement voir le naufrage redouté, par ses gammes descendantes en rythmes pointés et ses exclamations au chœur. C’est alors que s’oppose la frêle prière vers Jésus (« Salva me »). Le même contraste se retrouve dans le « Confutatis » où la fragile supplication « Voca me » se glisse entre d’implacables rythmes pointés au chœur accompagnés par un martèlement obstiné sur des harmonies tendues.
Rappel : Le Requiem : une gestation entourée de légendes …
Le contrat :
En juillet 1791, au moment de la commande du Requiem, Mozart est sur le point d’achever La Flûte enchantée, dont les représentations l’absorberont en octobre et novembre. Des recherches ont mis en évidence des éléments assez prosaïques : l’établissement d’un contrat en bonne et due forme entre le comte Walsegg et Mozart, alors vice-maître de chapelle de la cathédrale de Vienne, ayant pour objet la composition d’une Messe des morts, moyennant une somme assez importante. Mais une clause inhabituelle interdit au compositeur d’en garder une copie. Or, le comte, féru de musique, aimait soumettre des devinettes musicales … à moins qu’il ait voulu se faire passer pour l’auteur de l’œuvre. Il aurait donc souhaité cacher l’identité du compositeur de ce requiem destiné à commémorer le décès de son épouse intervenu quelques mois auparavant.Les dernières commandes
Mozart se met donc au travail jusqu’à l’arrivée début août de la commande très pressante de La Clémence de Titus en vue des festivités pour le couronnement de Léopold II roi de Bohême, le 6 septembre. Qu’à cela ne tienne, le Requiem attendra le retour de Prague, comme l’annonce Mozart au messager venu le relancer. L’œuvre sera à peine tirée de son sommeil jusqu’à la mi-octobre, le temps de composer encore le sublime Concerto pour clarinette. Puis le Requiem ressort des tiroirs, mais pas pour longtemps puisque la loge maçonnique de Mozart lui commande la Cantate de l’éloge de l’amitié pour l’inauguration de son nouveau temple. Épuisé par de longs mois d’un travail acharné, Mozart s’alite le 20 novembre pour ne plus se relever et meurt le 5 décembre. Quelques extraits du Requiem auraient été chantés au chevet de Mozart le 3 décembre, avant l’exécution fragmentaire, sept jours plus tard, lors du service funèbre à la mémoire du compositeur.L’ambigu Süssmayer
Au décès de Mozart, les parties vocales jusqu’au « Quam olim Abrahae » sont terminées à l’exception du « Lacrymosa ». Seuls l’« Introit » et le « Kyrie » comportent une partie orchestrale complète. Une course contre la montre s’engage alors. En effet, pour être totalement acquittée, la commande doit être livrée au plus vite et avoir toutes les apparences de l’écriture de Mozart. Constance, l’épouse du compositeur, sollicite plusieurs musiciens et amis dont Joseph Eybler. C’est finalement Franz-Xaver Süssmayer, jeune élève de Mozart ayant participé à la composition des récitatifs de La Clémence de Titus, qui achève la périlleuse affaire. On peut se réjouir que ce pâle compositeur, mort prématurément à trente-sept ans, ait respecté l’œuvre de son maître, bien qu’il ait voulu s’en attribuer la paternité principale au moment de l’édition.
La soirée s’est prolongée ensuite dans la cour du presbytère de l’église de Wimille, dans un moment de convivialité bien sympathique autour d’un verre de l’amitié entre musiciens, avec Natacha Triadou, Enrique Segura, l’ensemble des musiciens d’OpalSinfonietta dont la liste des noms serait trop longue à énumérer, avec notamment Colette Petitbois, au violon (et à la présidence des Nocturnes d’Opale), et Bernard Schneider, à la contrebasse (et à la direction d’Opale Sinfonietta), ainsi que les choristes des chorales du Boulonnais et les chanteurs solistes.